— Vous n’auriez pas dû le lui dire de cette façon, je pense.

Grégory avait l’air sincèrement ennuyé pour Suraya. La jeune femme n’avait toujours pas digéré la violente réaction du mercenaire. Il l’avait traité de tous les noms avant de la sommer de « dégager de la pièce ». Après cela, il était allé trop loin. Il n’aurait jamais dû porter la main sur elle. Elle ne comprenait même pas pourquoi elle ne l’avait assommé pour le compte. Elle savait qu’elle en était capable, mais elle n’avait pas osé frapper un homme sortant à peine du frigo.

Tu ne perds rien pour attendre, connard, songea-t-elle en serrant les dents, ce qui réveilla la douleur de sa mâchoire. Elle se massa les joues et ferma les yeux, se retenant de justesse de ne pas crier de frustration. Pour se calmer, elle se leva du lit sur lequel elle venait pourtant tout juste de s’assoir. Après que Hank les eut chassés de la salle de cryogénisation, Grégory avait conduit Suraya à l’infirmerie. Nathalia s’y trouvait déjà et elle s’était aussitôt occupée du commandant.

— Vous avez bien fait de ne pas répondre à ses provocations, Mademoiselle Manariva, tenta de la rassurer Grégory. Cela n’aurait fait qu’envenimer la situation. Dès qu’il ne souffrira plus du mal de l’espace, il vous présentera ses excuses de lui-même, j’en suis sûr.

— Vous ne savez rien du passé de ce gars.

Sans réfléchir aux conséquences, Suraya transmit à l’implant com’ de Grégory le dossier de Hank — pourtant partiellement classé secret défense. Les yeux du professeur s’arrondirent à mesure qu’il en prenait connaissance.

— Oh, je vois… Dans ce cas, je me permets de répéter que vous n’auriez pas dû lui annoncer la nouvelle de cette façon. Vous avez manqué de prudence, Mademoiselle Manariva.

— Vous voulez que je vous donne du « Grégory », alors appelez moi Suraya, s’il vous plait.

— C’est entendu.

— Encore en train de minauder, tous les deux ? Allez-y, faites comme si je n’étais pas là, qui plus est ! Mais souvenez-vous que vous vous trouvez dans ma pharmacie, pas dans un hôtel. Merci.

Nathalia les toisait avec toute la chaleur d’une porte de prison. Grégory se leva précipitamment, tel un enfant coupable d’avoir commis une bêtise. Suraya sourit à cette pensée, mais elle s’en mordit les doigts : sa joue droite la fit à nouveau souffrir le martyr. Nathalia s’en rendit compte et son visage s’adoucit.

— Il ne vous a pas loupée. Un peu plus haut et c’était l’œil qui prenait.

Puis, elle se tourna vers Grégory, qui n’avait pas bougé.

— File. Tu me gênes. Tu vois bien qu’il n’y a pas assez de place pour trois, non ? Il faut te faire un dessin ?

De fait, la pièce n’était pas très spacieuse, mais pouvait tout de même accueillir trois, voire quatre personnes. Grégory voulut protester, mais le regard soudain presque implorant de Nathalia l’en dissuada.

— Tu as raison, Nathalia. Je crois me souvenir que Vincent m’a invité à partager un verre en sa compagnie. Il doit m’attendre. À plus tard, mesdames.

Lorsqu’il les eut quittés, Nathalia se tourna vers Suraya.

— La prochaine fois qu’il vous fera ça, foutez-le à terre, ce gros balourd. Je sais que vous êtes capable de vous défendre, alors ne vous laissez pas manquer de respect.

— Bien, docteur.

Relevant la tête, Suraya croisa le regard de Nathalia. L’espace d’un instant, celle-ci lui sourit. Puis, elle approcha son visage de celui de Suraya et lui murmura quelques mots à l’oreille, d’une voix chaude, presque sensuelle :

— Les hommes ne nous méritent vraiment pas, n’êtes-vous pas d’accord ?

Puis, elle s’éloigna pour se laver les mains. Lorsqu’elle revint, elle avait repris son attitude distante coutumière et Suraya se demanda si elle n’avait pas rêvé.

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