Dans le ciel bleu de la périphérie d’Athènes, la Déesse de la Sagesse se matérialisa sous les traits de cette jeune femme charismatique, les yeux sombres et le visage impénétrable. Tout son corps semblait se réveiller, il tremblait de l’intérieur sous les fourmillements qui se dissipaient progressivement.
Elle leva la tête, espérant y voir sa chouette, mais seuls quelques petits oiseaux se partageaient le monde d’en haut. Kasper, lui aussi, n’était plus là. Elle ne reverrait sans doute plus jamais ce premier homme moderne.
Devant elle, des chevaux de métal galopaient à une vitesse vertigineuse. Je n’ai jamais vu ça, pensa-t-elle. Les objets se déplaçaient à l’horizontal sans que leurs masses ne bougent sous l’effet du vent et de l’effort. Des charrettes couvertes qui ne nécessitaient aucun animal pour être tractées. Des petites fenêtres, plus ou moins opaques, laissaient apparaître quelques personnes assises à l’intérieur de ces centaines de véhicules impressionnants. Une odeur désagréable se faufilait jusqu’aux narines de la Déesse, un mélange de caoutchouc brulé et du gravier chauffé. Un bruissement continu semblait ne jamais pouvoir s’arrêter, entre râles des engins et fracas du vent.
Athéna avança vers la route, tentant de mieux comprendre ces objets inconnus qui l’intriguaient. Ses pieds se posèrent sur la voie, instantanément des bruits différents se firent entendre, forts et aigus. Une voiture fonçait sur elle. Son corps se recula d’un coup, manquant de se faire écraser. Le danger régnait. Athéna resta un instant à regarder ce spectacle vertigineux, puis elle tourna la tête.
Autour d’elle, sur le bord de la route, des bâtiments délabrés s’alignaient. Sur les ruines des maisons inhabitées, des inscriptions salissaient les murs jaunâtres. Athéna tenta de les décrypter, mais ne put lire que des noms et des lettres dispersées. Des images plus ou moins effacées semblaient attachées aux parois et panneaux. Athéna pensa à un miroir avant de comprendre qu’il n’en était rien. Les hommes figent le présent, pensa-t-elle.
Elle resta un long moment à observer les nouveaux détails qui l’entouraient. La forêt et les animaux d’autrefois n’existaient plus, tout semblait détruit, défiguré, transformé. Où sont les couleurs naturelles des bois ? Pourquoi ce bruit désagréable cache-t-il le chant des oiseaux ? Où sont les plantes mentholées ? Les violettes sur le bord des voies terrestres ?
Qu’on t-il fait de mon monde ?

Elle avança vers le centre de la ville, désolée de cette vision de la ville d’Athènes. L’Acropole dégageait encore une puissance qu’elle ressentait dans toute son âme. Elle s’accrochait à l’idée de retrouver les temples, se rapprochant à chaque pas des monuments.
Son regard se perdait sur les détails de la ville. Elle s’arrêta devant quelques personnes qui courraient. Le souvenir d’Euclès revient à la Déesse, cet homme qui fonça jusqu’à Athènes pour annoncer la défaite des Perses . Nenikekamen ! pensa-t-elle en grec. Pourrais-je crier victoire sur l’Acropole ?


Il y a très longtemps, à Athènes,


Cécrops est devant moi. Il me regarde, ainsi que mon oncle : Poséidon. Mon cœur s’accélère, ma destinée dépend du choix du Roi du territoire. Je veux gagner, alors je réfléchie. Je dois offrir un meilleur présent que celui de mon oncle pour devenir la protectrice d’Athènes. Cécrops prend la parole :
— Poséidon, qu’à tu as offrir ?
Il s’élance sur l’Acropole, frappe son trident sur le sol et fait faillir une source d’eau salée. Je sais que je vais gagner.
— Athéna, qu’a tu as offrir ?
Alors, je touche la terre et y dépose une graine. Un olivier perce déjà le sol et grandit sous les yeux du Roi. Ses branches s’épanouissent, ses feuilles prennent toute leur splendeur, quelques fruits rougeâtres se dessinent. Puis, le végétal se fige.
Cécrops semble réfléchir un instant, observant tour à tour les présents.
— Athéna, je juge l’arbre plus utile pour mon peuple.
Sous mes yeux, la source d’eau salée disparaît et l’olivier émane déjà une douce odeur caractéristique.


Cette ville, on la lui avait confiée, elle l’avait abandonnée.

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