– Qu’est-ce que c’est, maman ?
– De la neige, chérie.
– Ça tue la neige ?

Elles se fixèrent, l’enfant chercha dans le regard de l’autre un peu de réconfort. Rien ne transparaissait. Le visage de la jeune femme restait détendu, à l’opposé de la fillette qui grimaçait de peur. Puis, le lien se brisa. Le dos de l’adulte se redressa, face à la fenêtre en bois.

– Comment tu connais la neige ? Hein, maman ?

Pas de réponse.

– Tu as appris ça à la grande école ?

Toujours rien.

– Tu es bizarre… murmura-t-elle.

Le silence s’imposa un instant dans la pénombre. Les deux silhouettes observaient les flocons qui tombaient de plus en plus nombreux. L’enfant attrapa d’un geste vif la main de sa mère, comme si elle craignait qu’elle lui échappe.

– Pourquoi tu as pas peur ?
– Parce que je sais.

En entendant ces quelques mots, la petite fille trembla. La voix qu’elle connaissait si bien, si douce, si réconfortante, devenait une source d’angoisse profonde, bien pire que ses cauchemars les plus sombres. Elle lâcha cette femme qui lui semblait être une inconnue. Alors que ses lèvres s’entrouvraient, la toiture craqua. Elle sursauta, paniquée, avant de trouver assez de courage pour lancer :

– Dis-moi ce qui se passe ?

Elle avait crié, en colère.

– Le déluge a commencé.
– On a un bateau, comme Noé ?

Un sentiment d’espoir l’envahissait devant la folie de sa mère et du monde. Elle jeta un bref coup d’œil à l’extérieur, l’ouverture se recouvrait doucement d’un manteau d’hiver.

– Non, finit-elle par répondre.

La fillette savait bien ce qui était arrivé aux peuples lors du déluge.

Elle n’osa questionner l’adulte sur ses connaissances, peut-être était-ce lié aux soirées où elle s’absentait, la laissant seule pour s’endormir. La fenêtre engloutie par la masse blanche ne permettait plus de voir la neige tomber. Alors, jusqu’au dernier moment, la fillette écouta, les yeux fermés.

Myriam, c’était son nom.

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