Elle ouvrit les yeux. La lumière était étourdissante et ses yeux papillonnèrent, éblouis. Sa première pensée fut : quel était cet endroit ? Elle s’assit. Le sable coula entre ses doigts. Elle regarda autour d’elle. Sa gorge était sèche, ses lèvres gercées, et sa peau, d’un teint légèrement bronzée, craquelée. Elle tenta de se lever mais ne put que vaciller et s’effondrer par terre. Elle passa ses bras autour de ses épaules et jeta un coup d’œil aux alentours. Rien. Des dunes de sables s’étendaient à perte de vue. Ses yeux scrutèrent partout mais elle ne vit rien d’autre que du sable. Elle se leva. Cette fois-ci, ses jambes acceptèrent de la soutenir et elle put faire quelques pas. Sa tunique n’était qu’une bande de tissus qui la couvrait à peine et ses cheveux, détachés, volaient dans tous les sens autour de sa tête. Un bruit attira son attention. Là-bas, entre deux montagnes de sable venait de surgir des hommes montés sur des chameaux. Une peur surgit au fond d’elle, inexplicable, sourde, intense, et elle courut comme elle le put vers une dune capable de la dissimuler. Elle s’allongea dans le sable et se traina jusqu’au sommet. De là, elle put voir la caravane avancer dans le désert. Une vingtaine d’homme assis sur des chameaux, et une quinzaine à pied. Elle ne vit les fers de ces derniers que lorsqu’ils reflétèrent la lumière du soleil couchant. La conclusion ne tarda pas à venir d’elle-même : des marchands d’esclaves. La jeune fille couchée sur le sable brulant éprouva de la pitié pour les êtres enchainés qui souffraient devant elle. Si seulement elle pouvait … Non. Elle ne pouvait pas … Que pourrait-elle contre vingt hommes armés ? Un fouet claqua au loin. Elle sursauta. Doucement, elle descendit de la dune et marcha loin de la caravane. Combien de temps devrait-elle marcher avant de trouver ne serait-ce que de l’eau ? De la nourriture ? Une ville ? Sans eau, dans le désert, elle ne ferait pas long feu. Il faudrait aussi qu’elle trouve un abri car le soleil tapait tellement dur en début d’après-midi qu’elle risquait de faire un malaise, déshydratée, brulée et épuisée de marcher. Le ciel s’étendait à l’infini, bleu, d’un bleu profond et clair. La jeune fille sentait sa peau se réchauffer et plus elle restait sous le globe lumineux accroché au milieu du ciel, plus elle sentait que sa peau chauffait … Sa tête finit par lui tourner. Elle avait l’impression que ses oreilles bourdonnaient, ses lèvres étaient comme un sol aride et sa gorge, ah … sa gorge ! La soif était si intense ! Elle finit par s’asseoir, épuisée de marcher. Ses yeux étaient gros et secs, ses paupières si lourdes … Ses membres, douloureux, réclamaient un moment de répit. Elle ferma alors les yeux et se recroquevilla sur elle-même.

Lorsqu’elle ouvrit les yeux, la nuit était tombée. La lune, énorme disque argenté dans le ciel de velours noir étincelait parmi les étoiles. Le froid s’était installé dans le désert transformé en mer blanche. La jeune fille grelottait. Elle avait dû s’endormir sans s’en rendre compte. Lorsqu’elle se leva, ses bras et son dos la firent souffrir. Sa peau était rouge et douloureuse. Voilà qui lui apprendrait à s’endormir sous le soleil du désert ! La jeune fille descendit de la dune prudemment et marcha. Perdue dans le désert, qu’elles seraient ses chances de survie ? Sans eau, sans nourriture … Elle finirait par se faire mordre par un serpent, piqué par un scorpion, ou tuer par n’importe quel autre animal … Ou elle mourrait de soif. Une lumière attira son regard. Là-bas, au creux des dunes de sables, un feu avait été allumé et des éclats de vois fusaient dans la nuit. Surement les marchands d’esclaves. Apparemment, ils n’avaient pas beaucoup avancé depuis qu’elle s’était endormie. Mieux valait qu’elle file au plus vite au risque de se retrouver elle aussi enchainée et vendue. A peine eut-elle le temps de faire un pas que des éclats de voix retentirent derrière elle. Un fouet claqua et elle sentit une chose s’enrouler autour de sa cheville. Une vive secousse la fit tomber à plat ventre dans le sable et sa tête heurta violemment le sol. Trop tard … Des mains la saisirent brutalement et la levèrent sans ménagement. Sonnée par sa chute, la jeune fille ne comprenait pas ce qui lui arrivait. Elle sentit qu’on la soulevait, puis sans doute qu’on la transportait … On la déposa rudement devant le feu qui lui ébloui les yeux. Les deux hommes qui l’avaient surprise étaient postés derrière elle, la tenant fermement aux bras. Les dix-huit autres, assis autour du feu, les regardaient surpris. Des tentes avaient été dressées tout autour du foyer et les esclaves avaient été attachés a des poteaux plantés dans le sable. La personne qui devait être leur chef, un homme d’environ vingt-cinq ans, grand, une petite barbichette noire et un grand manteau avec des motifs colorés, se leva et s’approcha.
– Qu’est-ce que c’est que ça ? demanda-t-il.
– On l’a surprise en train de roder derrière les dunes.
La jeune fille sursauta. Elle comprenait ce qu’ils disaient ! Cette langue gutturale (du désert sans doute) semblait familière à ses oreilles. Sans doute venait-elle elle aussi d’une quelconque caravane ? L’homme avec la barbichette tourna autour d’elle.
– Lâchez-la, ordonna-t-il.
Ses acolytes obéirent et la jeune fille se leva. L’homme ne cessait d’observer, tantôt sa chevelure, tantôt sa peau … elle finit par passer ses bras autour de ses épaules d’un geste protecteur. Il passa sa main et saisit délicatement les fils d’or de sa chevelure. Elle crut le voir articuler le mot ‘’soleil’’ mais sans doute rêvait-elle car l’instant d’après, il s’en désintéressa et toucha du bout des doigts sa peau rougie.
– Elle est abimée … finit par lâcher l’homme.
– On l’a trouvée comme ça, Ishaq ! s’exclama l’un des deux brutes qui l’avait attrapée.
Mais le dénommé Ishaq saisit le visage de la jeune fille et plongea ses yeux noirs dans les siens. Ses doigts s’enfonçaient dans sa peau. Il eut soudain un mouvement de recul. Sas aucune explication, il la saisit par le cou et l’entraina à proximité du feu, écartant au passage les hommes attroupés autour de ce dernier. De là, il la força à s’approcher dangereusement des flammes et replongea ses prunelles dans les yeux de la jeune fille.
– Incroyable …
– Quoi ? demandèrent ses hommes.
– Ses yeux … ils sont d’un bleu !
Les vendeurs d’esclaves s’approchèrent et chacun put observer les étranges yeux bleus de la jeune fille.
– Ça va se vendre à un bon prix ça ! lança un gros bonhomme.
Ishaq hocha la tête.
– Désormais tu es mon esclave. Déclara l’homme, as-tu un nom esclave ?
– Mon nom ? demanda la fille.
Le silence se fit dans la caravane. Les esclaves attachés avaient relevés les yeux vers la scène qui se déroulait. Une voix, comme venue de très loin susurra un mot dans son esprit …
– Eshe … je me nomme Eshe, répondit-elle.

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