Aram banda son arc et suivit la course de la biche, quand il fut sûr de son tir, il relâcha la corde qui claqua. La flèche fila en ligne droite et se ficha dans le cou de la bête. La biche courut quelques mètres et s’étala dans l’herbe. Aram la vit respirer douloureusement. Ne voulant pas l ‘effrayer, il s’approcha doucement d’elle. Son couteau de chasse dans la main, il chercha son cœur. Une fois trouvé, il y planta sa lame d’un coup sec et sûr. La biche tressauta et mourut aussitôt. Le jeune chasseur retira son couteau et nettoya la lame sur la peau de la bête puis la rangea. Avant de commencer le travail long et fastidieux du dépeçage et du découpage, il prépara un feu et fit chauffer une casserole d’eau. C’était une belle prise à cette période de l’année. S’occuper d’elle lui prit deux bonnes heures. Il n’aimait pas le travail bâclé et pour revendre la peau et la viande à un bon prix, il fallait travailler correctement. Le jeune homme mit la peau à sécher au soleil et fit cuir une partie de la viande. Il rangea le reste dans son sac et se prépara un bon ragoût qu’il avala une fois la cuisson terminée. Repu, il s’assoupit dans l’herbe sous le couvert d’un arbre. Le froid de la tombé de la nuit le sortit de son sommeil. Il rangea rapidement ses affaires et se mit en route vers son village. Sa tante était surement morte d’inquiétude. Il lui fallut plus d’une heure pour arriver chez lui. Sa tante, la guérisseuse du village vivait un peu à l’écart du village. En entrant dans la maison, il fut reçu avec un coup de baguette sur la tête.
– Ça fait une heure que je t’attends, je m’inquiétais pour toi ! S’exclama sa tante.
– Désolé Merry, je me suis assoupi dans la forêt !
Merry devint rouge de colère.
– Assoupi ! A-SSOU-PI !! hurla-t-elle.
Il la prit aussitôt dans ses bras. Son mari était mort quelques années plus tôt, il s’était fait attaquer par un ours en allant chasser dans les bois. Depuis cet incident, sa tante avait une peur bleue de la forêt et des animaux.
– Ne t’inquiète pas, Merry, je fais très attention.
– Je suis désolé Aram, je n’aurais pas du m’énerver de la sorte mais j’ai eu très peur.
Aram rangea son arc et son sac dans un coin de la pièce et s’installa à table où sa tante lui avait préparé un bol de soupe. Il le but d’un trait et s’affala contre sa chaise.
– Tu as fait une bonne prise ? Demanda Merry.
– Une biche, répondit le jeune homme. J’ai dû laisser une partie de la viande car mon sac était trop petit. Je t’ai rapporter quelques herbes, tu les trouveras dans mon sac.
Merry fouilla dans le sac du jeune homme et en sortit une bourse fortement odorante. Elle l’ouvrit et y découvrit les fleurs qu’elle avait demandé à Aram.
– Tu les as trouvées facilement ?
– Oui, elle pousse bien à cette époque de l’année mais d’ici quelques semaines, il ne sera plus possible d’en trouver. Je pense que tu en auras assez pour l’hiver.
– Sauf si la grippe envahit le village.

Aram laissa sa tante ranger ses plantes. Il alla s’installer dans les confortables fauteuils devant le feu. Il attrapa un livre de la grande bibliothèque de sa tante. Cette dernière avait une passion pour les livres et en achetait tous les ans à la grande foire. Les murs du salon étaient recouvert d’étagères regorgeant de livres sur beaucoup de sujet. Une fois bien installé, il ouvrit son livre et se mit à lire pendant que sa tante travaillait ses herbes. Il eut le temps de lire quelques pages avant qu’elle ne se remette à parler. Aram adorait sa tante mais elle ne pouvait pas s’empêcher de parler.
– Que comptes-tu faire demain ? Demanda-t-elle pour engager la conversation.
– Il faut que j’aille voir Harl pour vendre la viande que j’ai pris sur la biche. Perry m’achètera sûrement la peau et Farell a besoin de moi à la forge car il a reçu une grosse commande de tonneaux et pour finir, je terminerais peut-être le livre que j’ai commencé à lire.
– Quand te trouveras-tu un travail fixe ? C’est bien, tu fais pleins de choses mais tu n’as aucun revenu fixe. Je ne serais pas toujours là pour te nourrir.
Aram éclata de rire.
– Si je n’étais pas là, tu mangerais des herbes toute la journée !
Merry se renfrogna car elle savait que le jeune homme avait raison. Elle n’était pas très forte pour faire à manger et préférait s’occuper des malades que de se nourrir. Quelques fois, elle passait des journées à se nourrir que de plantes au goût exécrable mais qu’il lui apportait tout ce dont un humain avait besoin. Aram eut enfin la paix et put continuer sa lecture. Il lisait un livre sur les poisons que sa tante lui prêtait. Il se servait de ces substances pour diminuer la souffrance des bêtes. Le livre décrivait les différents poisons ainsi que les effets. Aram travaillait souvent avec sa tante pour soigner les malades et préparer les remèdes. Il connaissait la plupart des plantes car c’est lui qui allait en forêt pour les chercher. Sa tante espérait en secret qu’il reprenne ses affaires quand elle serait trop vieille mais Aram n’en avait pas l’intention. Lui voulait voyager et découvrir le monde, il n’en pouvait plus de cette vie monotone où il ne faisait que travailler pour tout le monde. Cela faisait maintenant plusieurs années qu’il économisait pour partir du village. Sa tante n’en savait rien et lui dire inquiétait beaucoup Aram. Qui irait chercher ses plantes dans la forêt ? Qui la nourrirait ? Qui reprendrait son affaire ? Aram se dit qu’avant de partir, il devrait trouver une personne pour prendre sa relève. Quand la nuit fut bien avancée, Aram alla se coucher pour rêver d’aventure et paysage fantastique.
Les semaines passèrent et enfin l’occasion pour Aram se présenta. La foire annuelle aurait lieu dans une semaine. Tous les ans, avant les premières neiges, les marchands ambulants s’arrêtaient dans le village pour vendre des milliers de merveilles. Aram adorait la foire, on y dansait, chantait et buvait. Avec les premiers marchands arriva une jeune femme de l’âge d’Aram. Elle portait de longs cheveux roux tressés dans son dos. Elle n’était pas très jolie mais pas repoussante non plus. Elle avait de jolies yeux bleues et des lèvres roses. Son visage était recouvert de taches de rousseur et son nez un peu trop long. Elle frappa chez Merry et ce fut Aram qui alla ouvrir la porte. Il inclina la tête et se présenta avant de demander l’objet de la visite de la jeune femme.
– Bonjour, je me nomme Kristen. J’aimerais étudier avec la guérisseuse Merry. Je suis envoyé par la guérisseuse Marie de Galéa.
Aram ouvrit la porte et fit entrer la jeune femme. Merry était assis à la table de la cuisine à mélanger des herbes dans un grand bol.
– Merry, cette jeune femme veut te voir, je vous laisse.
Aram poussa doucement la jeune femme vers sa tante et s’éclipsa pour aller voir les marchands fraîchement arrivés.
Quand il rentra le soir, Kristen était toujours là. Les deux femmes discutaient en sirotant une tisane. Aram se servit une tasse et les rejoignit près du feu.
– J’ai accepté de prendre Kristen pour finir son apprentissage, dit-elle à Aram. Tu vas pouvoir voyager maintenant que tu n’as plus le fardeau de t’occuper de moi.
Aram avala de travers et recracha la moitié de sa tisane. Il devint rouge comme une pivoine et baissa les yeux.
– Jamais tu n’as été un fardeau ! Déclara-t-il. Comment savais-tu que je voulais partir pour découvrir le monde ?
– Depuis le décès de tes parents, je t’ai élevé. Je te connais comme si tu étais mon fils.
Aram but une longue gorgée de tisane pour ne pas répondre. Ses parents étaient décédés alors qu’il n’avait que deux ans. Un incendie de cheminée avait ravagé la maison. Heureusement pour Aram, sa tante l’avait gardé pour la nuit car il avait une grosse fièvre. Il ne se souvenait absolument pas de ses parents et Merry en parlait rarement.
Quand la gorgé brûlante fut passé, Aram put enfin parler :
– Je suis désolé de ne pas t’en avoir parler plus tôt, je ne voulais pas te faire de la peine.
– Je savais qu’un jour tu partirais pour découvrir le monde, tu en as toujours parlé depuis que tu es enfant. Quand penses-tu partir ?
– Je pensais partir avec les marchands quand il repartirons pour la capitale.
– Tu vas aller à Piléos ?
– Oui, j’aimerais voir la capitale, on dit que c’est la plus belle ville du monde .
– Fais attention, c’est aussi une ville dangereuse.
– Je sais me défendre, Merry.
Merry ne répondit pas, elle finit tranquillement sa tisane en fixant les flammes. Aram se leva, l’embrassa sur le front et alla se coucher. le lendemain, le jeune homme se leva aux aurores. Il s’habilla et prit un rapide petit déjeuner dans la cuisine. Alors qu’il allait partir, Kristen sortit de la chambre d’ami.
– Bonjour, dit-elle. Pourrais-je venir avec toi aujourd’hui pour découvrir le village et les environs?
– Oui, si tu veux. Je vais nourrir les animaux et on y va.
Aram passa son sac sur son épaule et sortit dans l’air frais du matin. Il eut le temps de donner des graines aux poules et les épluchures aux cochons avant que Kristen le rejoigne. Elle avait passer une tenue verte en laine pour la protéger du froid. Ses cheveux toujours attaché dans son dos se balançaient au rythme de ses pas. Aram lui fit visiter le village et lui présenta les différents habitants qu’ils croisèrent. Puis il firent une ballade en forêt où le jeune homme montra les différents endroits où les plantes poussaient.
– Pourquoi Merry ne se fait pas un potager pour faire pousser ses plantes?
– Elle dit que les plantes qui ne poussent pas dans leur milieu naturel ne sont pas aussi puissantes que les autres alors elle préfère que j’aille les chercher. Personnellement, cela ne me dérange pas car j’adore être en forêt.
– Oui, les forêt du nord sont magnifiques.
Les deux jeunes gens passèrent la journée à se balader et rentrèrent à la tombée de la nuit. Merry les attendait assise près du feu. Sur ses genoux se trouvait un énorme livre où elle écrivait avec une longue plume. Elle finit son texte et souffla dessus avant de refermer le grimoire et de le ranger sur une étagère.
– Vas-tu aller à la foire ce soir? demanda-t-elle à Aram.
– Oui, je pensais y faire un tour pour regarder les étales et boire une chope ou deux.
– Très bien. Nous pourrons commencer les cours dès ce soir avec Kristen.
– Alors je ne vous dérangerai pas plus longtemps.
Le jeune enfila une tunique propre et passa une veste en cuir par dessus pour se protéger du vent. Il attacha ses longs cheveux noirs en une queue de cheval et se débarbouilla le visage à l’eau. Sa bourse accrochée à sa ceinture, il salua sa tante avant de rejoindre le village. La fête battait son plein. Des lampions étaient accrochés dans tout le village pour éclairer la grande place où les marchands s’étaient installés. Au centre, un orchestre jouait une musique entrainante et les habitants dansaient ensemble en riant aux éclats.
Aram fit d’abord le tour des étals pour regarder les marchandises venant de toutes les régions. Le jeune homme s’arrêta sur les arcs qu’il appréciait beaucoup. Il y en avait des magnifiques, en bois noir d’une forme insolite qu’Aram trouva originaux. Le vendeur était un homme d’une quarantaine d’années avec une barbe hirsute et des cheveux longs et bouclés. Il taillait un morceau de bois derrière son étale.
– Excusez moi, demanda Aram. En quoi sont les arc noirs ?
L’homme leva les yeux de son ouvrage et regarda les arcs que le jeune homme lui montrait du doigt.
– C’est du bois d’ébène. Le cœur est noir et très résistant, avec un arc comme ça, vous pouvez transpercer un homme à cinquante mètres sans aucun effort.
Les yeux du jeune homme pétillèrent de désirs. Avec un arc comme celui ci, il pourrait chasser du gros gibier sans avoir à courir des kilomètres pour le retrouver.
– À combien sont-ils ?
– Cinquante pièces d’or unité.
Aram faillit s’étouffer, il n’avait pas cette somme et même en travaillant des années chez les villageois, il ne pourrait pas se payer un tel arc.
– Vous confectionnez les arcs vous même ? Demanda le jeune homme.
– Oui, jeune homme. J’ai un atelier à Piléos mais chaque année, j’aime faire le tour des villages pour vendre et trouver de nouveaux clients. Tu es intéressé par les arcs d’ébène ?
– Oui mais je n’ai pas l’argent pour en acheter un.
– Et bien j’en ai d’autres à te proposer.
– Non merci, répondit Aram. Où trouve-t-on du bois d’ébène ?
– L’ébène se trouve dans les forêts centrales, tailler des arcs comme cela prend des années, il faut laisser reposer le bois. Tu t’y connais un peu en arc ?
– Un peu, je me suis fait un arc pour chasser mais il commence à vieillir et j’aimerais bien un bel arc résistant et puissant.
Le marchand eut l’air de réfléchir quelques secondes puis jaugea le jeune homme.
– Tu as déjà travailler dans une forge ?
– Oui, répondit Aram. Farell, le forgeron du village me demande quelques fois de l’aide pour finir ses commandes.
– Mon frère Gorius est forgeron à Piléos et il recherche un apprenti. Que dirais-tu de m’accompagner jusqu’en ville ? Pendant le voyage, je pourrais te montrer comment fabriquer un bon arc et mon frère te proposera peut-être un apprentissage si tu lui convient.
– Je ne sais pas trop, il faut que j’en parle avec ma tante.
– Aucun soucis, mon garçon, reviens à la fin de la semaine pour me donner ta réponse.
– Merci, Monsieur.
– Garius, je m’appelle Garius et non monsieur.
– Alors bonne soirée Garius.
Garius lui fit un signe de tête et le jeune homme s’éloigna vers la place du village où la fête se déroulait. Il dansa un peu et but une choppe d’hydromel. Il pensait à l’offre du marchand quand un groupe de jeunes hommes s’approcha de lui. Aram les vit arriver, ils venaient d’un village voisin et l’alcool avait eu le temps de faire son effet. Aram finit sa choppe et se leva pour quitter la fête quand l’un d’eux lui rentra dedans. Aram s’écarta et s’excusa rapidement, ne voulant pas chercher les ennuis. L’homme bousculé était plutôt grand et large d’épaules, surement un paysan ou un forgeron. Il était rouge de colère d’avoir été bousculé même si c’était lui le coupable. Il attrapa Aram par le col de sa tunique et l’approcha de son visage.
– Tu pourrais au moins t’excuser de m’avoir pousser.

Aram n’aimait pas beaucoup qu’on l’agresse sans raison et les gens du village évitait les bagarres avec lui car ses différents travaux de la journée lui avait donné une musculature et une force surprenante. Il attrapa la main qui le tenait et tordu le poignée de l’homme saoul. Ce dernier poussa un cri et lâcha sa prise. Avant qu’il est pu faire un geste, il reçut un coup de poing qui l’allongea dans la terre. La musique s’arrêta à ce moment et Aram se retrouva encerclé par les amis de l’home au sol.

– On va te faire regretter ton geste, s’exclama l’un d’eux.

Aussitôt, ils voulurent se jeter sur le jeune homme mais Farrell, le forgeron du village se mit devant le jeune homme.

– Vous n’êtes pas dans votre village ici, tonna-t-il de sa voix grave. Soit vous ramasser votre ami et vous rentrez chez vous, soit je m’occupe de vous et vous ne pourrez plus rentrer.

Le groupe de jeune homme jaugèrent le forgeron et ses muscles saillants avant de ramasser leur ami et de détaler comme des lapins. Aram remercia le forgeron pour son intervention et lui offrit une bière avant de rentrer chez lui. Il se coucha aussitôt et s’endormit sans mal.

Dans la semaine, Aram parla de l’offre à sa tante qui lui donna le même conseil que Kristen. Aram comprit qu’il n’avait plus aucune raison de refuser. Sa tante était heureuse et entre de bonnes mains.

Le dernier jour de la semaine, Aram se réveilla très tôt et prépara son sac. Il y fourra le peu de vêtements qu’il avait ainsi que ses objets préférés. Il emporta quelques livres que sa tante lui avait donné. Il mit son sac sur son dos et prit son arc de chasse à la main. Kristen et sa tante l’attendait dans la cuisine. Les au revoir furent rapides et Aram promit de revenir de temps en temps. Sa tante lui offrit un petit sac en lui faisant promettre de ne regarder dedans que quand il serait parti avec Garius. Aram accepta et embrassa les deux femmes avant de partir en direction du village. Il trouva Garius qui rangeait ses marchandises dans son chariot.

– Tu t’es décidé à venir avec moi ?
– Oui, je veux découvrir le monde et avoir un de vos arcs.
– Alors soit le bienvenu. Aide moi à finir de charger et nous partirons.
Une heure plus tard, Aram était assis à côté de Garius et tout deux s’éloigner du village à l’allure du cheval qui tiré le chariot. Le jeune homme se retourna pour voir une dernière fois le village où il avait vécu toute sa vie. Il eut un pincement au cœur mais en même temps, il était heureux de quitter ce petit village de campagne pour découvrir la plus belle ville du monde. Garius se mit à chantonner une chanson connu de tous et Aram se joignit lui. Les deux hommes disparurent bientôt à la vue des habitants du village.

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