– Commandant ?

Barret ouvrit ses yeux avec lourdeur. Il lui avait semblé entendre une voix lointaine.

– Commandant Barret ?

Plus de doute, cette voix s’adressait bien à lui. Le commandant écarquilla les yeux et se leva aussitôt bien qu’assommé par un sommeil profond. Il en perdit presque l’équilibre.

– Ah ! Caporal Wang ! , j’espère que vous avez une bonne raison pour me tirer hors du lit aussi brusquement.

Ne sachant par où commencer, Wang prit son courage à deux mains et lança d’un ton inquiet :

– Mon commandant, vous devriez m’accompagner à la salle de contrôle et voir par vous même.

L’Interstellar continua sa course jusqu’à sa destination, la planète minière IBIS – 6.2.

A l’avant du vaisseau, une trentaine de personnes s’activaient de part et d’autres devant les écrans de contrôles.

– Mais que se passe-t-il ici ? s’exclama Barret.

– Regardez ! enchaîna Wang.

Barret se pencha sur l’écran puis regarda à travers la vitre.

– Je ne suis pas certain de comprendre, sommes-nous déjà arrivés ?

– C’est bien la question que nous nous posons. Nous avons parcouru un peu plus de la moitié du trajet jusqu’à IBIS – 6.2 et voilà que nous l’avons déjà en ligne de mire. Quelque chose nous échappe, ce n’est pas logique.

– Nous sommes sur une ligne spatiale régulièrement empruntée, des cargaisons entières de marchandises et d’acheminement d’ouvriers passent ici. Il n’y aurait pas lieu de penser que nous ayons dévié de notre trajectoire ou que nos ordinateurs se soient trompés dans leurs calculs. Mais bien que nous ayons affaire à une mission de routine, j’ai tout de même un doute. Comme vous l’avez dit, ce n’est pas normal. Caporal, faites moi un descriptif de cette soi-disant IBIS – 6.2 .

Barret était un personnage perspicace, c’est entre autre cela qui lui avait permit de gravir si rapidement les échelons jusqu’à devenir le Commandant de l’Interstellar, l’un des vaisseaux les plus réputés de l’armement spatial. Mais tout comme le Titanic, il n’était pas infaillible. Il y a 30 ans, un vaisseau du même gabarit répondant au nom d’Exxon Valdes avait disparu sans explication, en direction d’Alpha-B, non loin d’IBIS – 6.2. Le père de Barret était alors ingénieur mécanique sur celui ci.

Le lieutenant Elizabeth Farez, pilote de L’Interstellar, tenta d’établir une communication avec IBIS

– Ici le lieutenant Farez du Stellar, demandons autorisation de nous poser sur IBIS – 6.2., à vous !

Sans réponse durant un temps qui sembla une éternité, Farez s’apprêta à relancer la demande. Soudain, elle entendit des crépitements dans son micro puis une voix.

– Ici, IBIS – 6.2., tour de contrôle T2, autorisation accordée,…

Des coordonnées furent données au lieutenant pour l’atterrissage. Cette voix si familière de la tour de contrôle fut un ouf de soulagement et cela se ressentit au sein de l’équipage.

– Les ordinateurs ont dû se tromper quelque part dans les calculs, lança un technicien.

Wang revînt d’un pas assuré vers Barret, le nez plongé dans les fiches puis entama avec un air rassuré :

– Plus de doute, mon commandant, il s’agit bien d’IBIS. Nos relevés démontrent une atmosphère riche en oxygène et le lieutenant a reçu l’autorisation de se poser.

Ce qui semblait être évident pour l’équipe, l’était moins pour le commandant mais sa curiosité le poussa à vouloir atterrir. Barret se rendit sur son siège central avant de brancher son micro.

– A tout l’équipage du Stellar, c’est le commandant en chef Robert Barret qui vous parle, Nous allons entamer une descente sur…..

Il eut un instant d’hésitation à prononcer IBIS puis continua :

– …nous allons atterrir et je vais préparer une équipe d’expédition, cela ne prendra pas longtemps, merci pour votre compréhension.

A peine eut-il raccroché que de multiples regards restèrent dans un premier temps fixé sur lui, incrédule. Ce n’était pas ce à quoi l’équipage s’attendait. Dans un deuxième temps, ce fut la cacophonie le plus complète, chacun désirant comprendre ce qui avait poussé Barret à réagir ainsi. Le commandant reprit la parole.

– Ecoutez, je comprends vos réactions, de l’oxygène a été détecté, nous avons reçu l’autorisation de nous poser ce qui laisse penser que nous avons bien les colons d’IBIS – 6.2 là-bas, d’accord, c’est un fait. Cependant, n’oubliez pas que nous avons exécuté le voyage quasiment deux fois plus vite que le temps de croisière standard, alors que nous n’avons en aucun cas accéléré la vitesse du Stellar. D’autre part et vous le savez aussi bien que moi, nous n’avons pas l’énergie nécessaire pour faire ce trajet en deux fois moins de temps.

A nouveau, un ange passa. Avec plus de recul, l’équipage se rendit compte que la pensée du commandant était aussi valable.

– Mais dans les deux cas, nos hypothèses ne tiennent pas debout, s’exclama le soldat Fillermin.

– C’est exact, répondit Barret. C’est pour cela que nous devons en avoir le cœur net. Les ordres sont les suivants : Wang, préparez la procédure de mission d’exploration. Farez, vous serez responsable du Stellar durant notre absence, je partirai avec la première équipe.

Rapport du Mardi 15 Décembre 2149

29H24 minutes galactiques. Un élément inhabituel se présente sur notre trajectoire en direction d’Alpha-B. D’après nos premières données, il s’agirait bien de notre destination bien que nous soyions à mi-chemin de notre objectif. La planète se trouve être de couleur bleue avec une atmosphère riche en dioxygène et azote. Quoiqu’il en soit, en respectant les lois de la Fédération des Humains, je vais donner l’ordre et prendre la responsabilité d’y faire atterrir l’Exxon Valdes.

Cpt A. FRIEDRICH de l’Exxon Valdes

L’énorme cuirassé s’approcha lentement de la planète bleue, peut être même trop bleue. Farez activa le blindage du cockpit, l’entrée dans l’atmosphère risquait d’être mouvementée. Tout l’équipage s’attacha solidement, attendant le choc. Chacun avait une manière propre à lui de se préparer, bien que ce soit une affaire de routine. Certains, comme le soldat Fillermin portait toujours une croix en médaillon, la tenant fortement au creux de ses mains, murmurant, ce qui devait vraisemblablement être une prière. Farez avait une précision et un sang froid hors pair, ce qui lui avait valu en partie de décrocher ce poste de pilote sur l’un des vaisseaux les plus convoités de la flotte spatiale.
Farez entra les coordonnées de la tour de contrôle, accrocha le harnais à son siège et se mit en pilotage manuel avant que son co-pilote ne lance :

– Entrée dans l’atmosphère dans approximativement deux minutes !

Wang avait regroupé le peloton d’expédition à l’arrière du vaisseau, prêt à débarquer. Par mesure de précaution, le commandant Barret demanda à ses hommes de s’équiper de casques à oxygène. Le soldat Brasco joua des coudes à Fillermin.

– Hey Fillermin, cela doit être la vingtième fois que nous effectuons un atterrissage ensemble, laisse tes prières de côté, c’est pas « Lui » qui viendra te sauver.

– Je ne prie pas que pour l’atterrissage, répondit il sans un regard à son partenaire.

Brasco sourit et donna une tape sur le casque de Fillermin.
L’entrée dans l’atmosphère fit trembler le Stellar de part et d’autre. Les crépitements de la coque donnait l’impression qu’elle allait lâcher. La théorie de la relativité prenait ici un sens humain, cinq minutes semblaient des heures pour Fillermin.
Soudain, ce fût un silence absolu, un soulagement pour l’équipage.
Farez pouvait enfin avoir une image aérienne du sol qui la laissa perplexe. Cela n’avait pas l’air de ressembler à IBIS – 6.2 d’autant que l’analyse de l’image était complexe. D’innombrables tâches noires qui pouvaient s’apparenter à des reliefs mais le doute subsistait.
Le Stellar arrivait à présent aux coordonnées indiquées par la tour de contrôle T2. Le vaisseau déploya un tourbillon de sable, puis se posa sans problème.

– Farez ? dit Barret d’un ton sûr dans son micro.

Elle semblait ailleurs l’espace d’un instant, bloquée devant la fenêtre du cockpit, tout comme les techniciens présents autour d’elle.

– Bon sang, Farez ? vous me recevez ? Sommes-nous arrivés à destination ?

Déboussolée, elle reprit doucement ses esprits.

– Euhh je……je ne crois pas, commandant. Je ne suis pas certaine de ce que je suis en train de voir.

Barret releva la tête devant ses hommes, et ne montra aucun signe d’inquiétude mais au fond, un mauvais pressentiment l’envahit.

– Ok ! les gars, branchez votre pompe à oxygène, en formation serrée et gardez l’œil ouvert.

Le bataillon comprit qu’il s’agissait d’une mauvaise planète. La porte de la cale s’ouvrit..

Un paysage effroyable se dressa devant eux, tous crurent à une illusion. Rien ne semblait naturel dans cet environnement. Le ciel était d’un bleu pétillant, pas tout à fait comme celui de Terra mais le sol semblait privé de végétaux, d’organismes vivants. Pas même un souffle de vent sur sa surface aride, craquelé par le temps. La vie ne pouvait se développer dans un tel environnement. Pourtant, ce n’est pas cela qui bloqua l’attention des humains, mais bel et bien quelque chose d’encore plus improbable.
Devant le Stellar se tenait un cimetière de vaisseaux spatiaux à perte de vue.

– Nous ne devrions pas rester ici mon commandant, s’inquiéta Fillmerin.

– Les lois de la Fédération des Humains sont simples, toute nouvelle planète découverte doit faire l’objet d’un rapport. Nous continuons l’expédition. Tâchez de recueillir autant d’informations que possibles au sujet de ces vaisseaux.

Ils étaient comme neufs, pas de vent, pas d’érosion et donc difficile à dater sauf si certains modèles étaient déjà connus.
Le peloton se fraya un passage au milieu des cuirassés métalliques. L’un d’entre eux retint l’attention de Barret. Sur le flanc droit, il était écrit « EXXON VALDES ». Les flashs de son père revinrent encombrer sa tête et il s’empressa de monter à bord. Fillermin eut du mal à le suivre et manqua de tomber. Barret s’arrêta devant le SAS d’entrée, ouvert, puis déclara :

– Wang, prenez le second peloton avec vous et inspectez un peu plus loin.

Une dizaine d’hommes suivirent le caporal, le soldat Brasco était de ceux-là.

Rapport du Mercredi 16 Décembre 2149

7H55 minutes galactiques. Nous nous sommes posés et ce n’est pas le paysage auquel nous nous attendions. Pas de vent, tout semble aride et sec malgré un beau ciel bleu. Nous avons découvert quelque chose d’étonnant, une marée de vaisseaux spatiaux semble s’être donnés rendez-vous ici. Une décharge de milliards de crédits-dollars. Certains modèles que l’on croyait disparu se trouvent être juste devant mes yeux, c’est ahurissant !. A première vue, ils ne semblent pas avoir subi d’érosion. Je vais dépêcher une mission d’exploration que le lieutenant Zim dirigera.

Cpt A. FRIEDRICH de l’Exxon Valdes

Au sein du Stellar, les ingénieurs s’interrogeaient sur la nature du ciel bleu.

– Une atmosphère mais pas de plantes, déclara l’un d’entre eux. C’est à se demander si cette planète comporte une logique ! Je serais curieux de savoir si l’air est respirable. L’escadrille a gardé ses masques ?

– Par mesure de précaution, oui, répondit Elizabeth.

– Peut être s’agit-il d’une Terra Formation ?, suggéra un autre ingénieur.

– Très bien, mais dites-moi alors où sont les processeurs atmosphériques ? Et quand bien même il y en aurait, il devrait y avoir une trace de ces installations au sein des archives de la Fédération. Tout doit être déclaré. Allons bon ! même cette planète n’est pas répertoriée !

– La Fédération des Humains nous cache peut être quelque chose.

Un brouhaha se fit entendre parmi les ingénieurs. Farez reprit le fil de la discussion.

– Il s’agit tout de même d’une planète sur une autoroute spatiale. Comment pourriez vous garder cela secret ?

– Elle a raison, s’enthousiasma un scientifique puis une bonne majorité opina du chef.

Bien que les ordinateurs du Stellar aient calculé une atmosphère riche en oxygène, personne n’avait osé tenter l’expérience sur le terrain.

– Ca alors ! chuchota Fillermin. Où est passé l’équipage ?

– Ce n’est pas l’équipage qui me tracasse, répliqua le commandant.

Arrivé dans la salle des commandes, tout semblait si propre. Chaque élément à sa place, nous aurions eu du mal à croire que ce vaisseau se soit posé il y a 30 ans. Fillermin s’approcha du tableau électrique et activa cinq fois, de haut en bas, une plaque noire. Celle-ci armée, il appuya sur le bouton rouge. Au sein de la batterie, deux liquides dans la réserve de secours se mélangèrent. Dans la salle, les boutons de commandes devinrent lumineux, tous se réactivèrent. La batterie fonctionnait à nouveau.
Barret se rua sur les derniers relevés informatiques de l’atmosphère, puis resta bouche bée.

– Mon commandant ? Qu’y a-t-il ?

Sans un mot, Robert Barret commença à retirer son casque.
Fillermin tenta de l’en empêcher, c’était sans compter sur la maîtrise du commandant qui le jeta à terre. Pendant un moment, Barret retînt sa respiration puis inspira une grande bouffée d’air comme s’il s’agissait d’une seconde naissance. A terre, c’était cette fois au soldat Fillermin de rester bouche bée.

– Alors c’est vrai ? Il y a de l’oxygène ici ? Par quel miracle est ce possible ?

Barret repris ses esprits et enchaîna :

– Je ne sais pas, je ne sais plus, quoiqu’il en soit, les faits sont là. Je vais aller jeter un œil dans la cabine du Capitaine Friedrich. Continuez à chercher des éléments susceptibles de nous aider à comprendre ce qui s’est passé ici. Fillermin, contactez le Stellar et Wang pour les mettre au courant des dernières nouvelles.

Les soldats retirèrent leurs casques et s’agitèrent pour trouver le moindre indice.
Brasco et ses acolytes suivaient les traces de leur caporal depuis maintenant une bonne heure. Le contact radio fût établit, Wang s’isola du groupe et commença à grimper un relief qui pouvait s’apparenter à une dune afin que le signal soit plus clair. Au loin, les soldats virent le caporal retirer son casque.

– Mais, ma parole, il est fondu ou quoi ? lança l’un d’entre eux.

– Caporal, remettez ce casque, vous allez vous asphyxier.

Brasco courut aussi vite que possible.

– Du calme, les gars, du calme, on peut respirer, rétorqua Wang.

Dans un premier temps sans voix, tout l’escadron finit par enlever les casques. Ils continuèrent leur ascension. Les gouttes de sueur perlaient sur le nez de Brasco. Soudain, au sommet, ils restèrent ébahis. La plupart d’entre eux essuyaient leurs yeux tant ils croyaient rêver. Un mirage ? Une illusion ? Non, c’était bel et bien réel.

Le soldat Brasco fut le premier à murmurer le mot.

– Oh mon dieu, des Extra-ships.

Rapport du Mercredi 16 Décembre 2149

11H35 minutes galactiques. Le lieutenant Zim a fait une découverte incroyable : des Extra-ships. Il vient de m’envoyer des visuels et j’en suis encore bouleversé. Je vais essayer de donner une description rapide et concise. Ces vaisseaux extraterrestres sont de couleur sombre, gigantesque (l’Exxon Valdes semble ridicule à côté). Les passagers semblent avoir déserté leurs navires. Aucune trace de pas ou d’activité quelconque, qu’elle soit humaine ou extraterrestre. J’allais oublier : nous avons recensé jusqu’à présent une centaine de vaisseaux de toutes sortes. Des photos ont été prises pour chacun d’entre-eux afin de les identifier.

Cpt A. FRIEDRICH de l’Exxon Valdes

Barret sillonnait le long couloir éclairé par une lumière bleutée. Il considéra quelques cabines où l’équipage venait se reposer. Il s’agissait d’une chambre pour deux personnes, les effets personnels de chacun étaient toujours présent. Après une dizaine de cabines, il tomba sur une photo de sa famille posée sur un chevet. Le commandant ne put s’empêcher de verser des larmes. Il avait quinze ans sur cette photo, entouré de son père, sa mère et sa petite sœur. Il plia délicatement le souvenir dans la poche intérieure de son gilet. La cabine du Capitaine se trouvait au bout du couloir. D’un pas soutenu, tout en séchant ses larmes, il entra. La pièce était quatre fois plus grande que celle des ingénieurs, techniciens et soldats. Il fallait savoir recevoir dignement ses homologues. Les boissons étaient toujours sorties, alcoolisées pour la plupart, d’autant qu’il y avait là un vin de Terra « millésime de 2105 », une fort belle année. Son intention de s’en servir un verre lui traversa l’esprit mais fut vite distraite par un élément bien plus important. Sur le bureau de Friedrich était posé son PDA, une version high-tech du journal de bord contenant tous ses rapports quotidiens.

– Voilà une piste intéressante, pensa-t-il.

– Alors ça, ça c’est extraordinaire, jamais j’aurais pu croire que je verrais un jour un Extra-ship, même pas en rêve. Mais de là à en voir des centaines en un même lieu, c’est tout simplement irréel !

Brasco était surexcité, bougeait, sautait telle une pile électrique. Il s’arrêta un temps et se pinça pensant sortir des bras de Morphée. Rien n’y faisait.
Les Extra-ships ne semblaient pas tous appartenir à la même civilisation. La plupart était deux à trois fois plus massif que l’Interstellar. Certains étaient très élancés, posés à la verticale, à l’horizontale ou en oblique. De loin, ces vestiges pouvait ressembler à une partie de mikado. Les cuirassés extraterrestres étaient essentiellement de couleur sombre ou gris métallisé. Le détachement du caporal Wang stoppa au pied de l’un d’entre eux, planté verticalement. L’un des soldats leva les yeux, n’arrivant pas à distinguer le sommet du vaisseau.

– Cet engin doit dépasser les trois kilomètres.

Brasco se mit en tête d’exécuter un prélèvement de la matière externe du vaisseau à l’aide d’un instrument qui ressemblait à une perceuse. La matière composite fut prélevée puis analysée directement au sein de l’appareil. Le résultat ne mit qu’une minute avant de s’afficher sur le cadran.

– Elément inconnu, s’exclama Brasco.

– A la bonne heure ! rétorqua un soldat. Et où se trouve la porte d’entrée ? Je veux dire humainement parlant.

– Cogite un peu au lieu de poser des questions, renchérit Brasco.

Rapport du Mercredi 16 Décembre 2149

25H38 minutes galactiques. Je n’arrive plus à obtenir de contact radio avec le lieutenant Zim. L’équipe de secours vient d’être envoyée.

Cpt A. FRIEDRICH de l’Exxon Valdes

Lorsque Robert Barret eut fini de lire les dernières lignes du rapport Friedrich, il courut à grandes enjambées le long du couloir. Jamais il n’avait couru aussi vite, la peur l’envahissait. Arrivant à bout de souffle à la salle des commandes, il tenta de sortir quelques mots mais s’arrêta subitement dans son élan. La salle était vide, son équipe s’était volatilisée, plus de Fillermin. Le commandant jeta un œil à l’extérieur, rien n’y faisait. Pris de panique, il alluma sa radio et émit sa transmission sur tous les canaux. Le bleu ciel commençait à virer au rouge.

– Ici, le commandant Robert Barret….. Fillermin ? Wang ? Farez ? Me recevez-vous ? Y a-t-il quelqu’un qui puisse me répondre sur cette fréquence ?

Le signal resta nul, accompagné d’un son brouillé continu. Barret prit ses jambes à son cou et fila in peto en direction du Stellar. Il faisait de grands signes au cockpit afin d’annoncer le décollage immédiat. A bout de souffle, le commandant s’effondra dans la cale, à l’arrière du vaisseau, puis appuya sur le bouton rouge qui ferma automatiquement la porte de sortie.

– Heyyyy, il y a quelqu’un ? Farez ? Décollez immédiatement, c’est un ordre. Il ne faut pas rester sur cette maudite planète.

Exténué, il s’appuya contre le mur afin de reprendre sa respiration et commença à enlever sa combinaison. Le Stellar restait calme, pas de vrombissements, pas d’allumage des moteurs, ni d’alerte vocale, une radio toujours silencieuse.
Barret se leva et ouvrit de multiples SAS sans rencontrer de techniciens, ingénieurs ou autres militaires. Arrivé devant le SAS du cockpit, la solitude l’envahit. Il pressa de sa main tremblante le bouton activant l’ouverture de la porte. Son cœur s’emballa. A présent, il marchait lentement, ses pas résonnaient dans la pièce. Sa marche prit fin à côté du siège vide d’Elizabeth Farez, contemplant à travers les reflets rouges de la vitre, le cimetière spatial.
Son sang se mit à se glacer, les battements du cœur ralentissaient. Il commença à se sentir bien. Il n’avait jamais été aussi bien. Le commandant eut un petit sourire et regarda ses mains s’évaporer lentement avant de murmurer.

– Maintenant, nous aussi, faisons partie de ses vestiges et de sa conscience.

Rapport du Mercredi 16 Décembre 2149

26H02 minutes galactiques. C’est la panique à bord du vaisseau. Les gens disparaissent devant mes yeux. Je ne sais pas si je pourrais écrire encore longtemps. Cette planète semble vivre, dotée d’une conscience. C’était une illusion. Elle nous a attiré dans sa toile, tout comme les autres vaisseaux. Le ciel devient rouge. Elle va prendre nos âmes. Je m’évap…

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