Marcus est un écrivain fauché et inconnu, Personne n’avait voulu de son roman. Ce n’est pas qu’il soit sans talent littéraire, mais le sujet de son livre est son ennuyante personnalité névrosé et sa vie à peine vécu, ou il n’y s’y passe rien.
Il tente d’écrire sur un sujet autre que lui-même, c’est pourquoi il a finalement accepté l’invitation d’un ami d’enfance, Adam, a lui rendre visite sur son lieu de travail, le septième étage de l’hôpital, la psychiatrie. Il s’y rend justement en ce moment, marchant nonchalamment en s’imaginant toutes les possibilités de déroulement de sa visite, le pire comme le meilleur, aux travers de scénarios très improbables.

Arrivé à l’hôpital Marcus cherche l’escalier, mais ne le trouve pas, alors il prend l’ascenseur. Il a toujours préférer l’escalier, car ça l’empêche de croiser des inconnus, qui l’amène généralement à se poser plus de questions qu’il ne s’en pose déjà. Ce doit être son jour de chance, car durant ce voyage vertical de sept étages personne n’est entré dans l’ascenseur.
Marcus sort de l’ascenseur et se dirige vers la salle commune, ou son ami lui a donné rendez-vous. Il est surpris par le calme qui règne l’atmosphère. Tous les patients s’occupent en silence, certains écoutent la télévision, d’autres mangent sans faire le moindre bruit, un autre dort dans un fauteuil et un vieil homme assis à une table a l’écart, lit le journal.

Il se trouve soudainement ridicule d’être venu ici en quête d’inspiration, n’ayant pas su a quoi s’attendre, mais pourtant prêt et hâtif de faire face au pires clichés de la folie, comme ceux qui personnifient un animal, qui ont peur de l’invisible ou qui sont sauvagement violents et bien d’autres… Marcus trouve qu’ils sont tous bien habile à dissimuler cette folie qui les qualifient, il trouve que n’importe qui dans la rue a l’air plus cinglé que ceux-ci et qu’il n’y a pas matière littéraire ici. Il songe à repartir en vitesse, comme un voleur, ni vu, ni connu.

Le vieil homme au fond de la salle éclate de rire. Il a de longs cheveux gris et une barbe de pirate. Une satisfaction impalpable émane de sa personne. Marcus trouve qu’il a l’air d’un érudit. Sa bonhomie devant la simple lecture du journal, lui donne la forte impression que l’homme est singulièrement sympathique. Il va vers lui, s’assied devant lui et le salut. Le vieil homme ne lui adresse même pas un regard, envouté par son journal qui le fait sourire bêtement. Marcus mal à l’aise, se lève et songe à partir une deuxième fois.

Adam a vu la scène. Les deux amis se rapprochent, se sert la main et s’adressent quelques formalités en s’éloignant de l’aire commune.
Adam dit
– Il ne faut pas t’en faire pour l’autre.
– Aie-je eu l’air si offusqué, qu’il m’ignore?
– Tu oublis que je suis psychiatre, ce que je vois n’est pas nécessairement une évidence.
– Oui ok, alors c’est qui lui?
– C’est un cas particulier, en 6 ans, il n’a jamais prononcé mot à personne. Il a dans ses yeux à tout moment le regard du rêveur rêvassant, mais chaque matin, il lit le journal euphoriquement, fier de ce qu’il croit être son œuvre.
– Quelle œuvre?
– Suis-moi, il y a des choses qu’il vaut mieux lire soi- même.
Les deux hommes entre dans un bureau, Adam ouvre un classeur et tend à Marcus le plus mince des fichiers du tiroir.
– Tiens. C’est tout ce qu’on a sur lui. Il a donné cette lettre à son arrivé. Maintenant tu m’excuseras, je dois m’occuper d’une urgence.
– Ok.
– Laisse la lettre sur le classeur quand tu auras terminé et ferme la porte de mon bureau.
– Ok.
Adam quitte le bureau. Marcus lit la lettre.
———————————————————–
A qui de droit.

Je ne me nomme pas, mon nom est sans importance, seul mes pensées en ont.
Je suppose que vous voudrez une explication, considérez-la en ce texte, puisque j’ai fait vœu de silence. Je n’ai plus le temps de parler. Ce qui est précisément la raison de ma présence. Le temps perdu à vivre qui devrait plutôt être employé à mon dessein. Après y avoir murement songé, j’ai conclu que c’est ici que j’aurais le plus de temps pour faire ce que j’ai à faire.

Je n’ai nul doute qu’après cette lecture, vous me jugerez fou, enfin dans le sens que vous en usez du terme. Sinon vous trouverez ci-joint, un chèque d’un montant qui devrait être assez substantiel pour me fournir logement et nourriture pendant un moment.

Mon histoire commença sans doute par ma naissance, suivie d’une infinité de réflexions et d’actions, dont je vous épargne la quasi-totalité pour me concentrer seulement sur les détails essentiels que doivent couvrir cette lettre.
Je suis doté d’un pouvoir éminemment puissant de la pensé, qui n’est pas sans ressemblance avec celui des plus grands devins. Je crois par contre que ceux-ci n’ont fait qu’effleurer un phénomène, dont ils ignoraient l’étendu, puis ils ont cru être ce qu’ils n’étaient pas en s’abaissant à porter une étiquette et une fonction précise qui pose ses limites à l’esprit. Comme l’on a dit à certains, qu’ils étaient juifs et a d’autres, qu’ils étaient musulmans, il arrive à l’homme de ne plus se poser de questions et de devenir ce qu’il croit être ou du moins de croire qu’il l’est devenu.

Mon esprit ne fut jamais souillé d’aucune entrave dogmatique. Ma pensé et son influence sont sans limite. Ce qui ne fut pas toujours le cas, mais de curieux événements m’amenèrent à redéfinir ma conception de la psyché et de ses obscures frontières.

L’une de ces curiosité eu lieu, il y a bien longtemps suite à des expériences psychiques qui me révéla pour la première fois l’ombre de la puissance de mon psychisme.

Ce fut pendant un été, que je passai en voyage, que je décidai d’expérimenter ma pensé. Expérience à ce stade sans importance et sans attente, motivé uniquement par mon abondance de temps et de curiosité, et qui sans les résultats obtenues porterait le nom de fabulations.
Par la pensé, je tentai de m’introduire chaque nuits dans les rêve d’une femme qui logeait à l’étage du dessus. La semaine suivante, elle me mentionna avoir rêvée de moi. Bien qu’intéressant ce ne fut pas assez pour me convaincre de quoi que ce soit. Le hasard est grand et je voulais le tromper.

J’eus donc besoin d’y intégrer un élément récurrent, comme une signature en guise de preuve de mon passage dans son royaume des songes. J’y emmenai donc la pluie. Toute les fois où mon imagination me fit apparaitre dans ses rêves, j’y fus accompagné d’une pluie fine. Le mois suivant, elle me révéla, que j’étais souvent dans ses rêves et qu’il y pleuvait toujours.

C’est bien peu, je vous le concède, tout le monde a déjà rêvé de pluie. Je décidai néanmoins de pousser l’expérience encore plus loin, en tentant le projet ambitieux, mais insensé d’influencer l’amour de cette femme. Je ne m’y employai pas comme une tache, mais comme une fantaisie imaginative de mon esprit vagabond. Par temps libre, en rêvassant tout bonnement. Je l’observai penser à moi, puis j’imaginai occuper son corps et son esprit pour y déposer dans son cœur, le désir qui devait grandir.

Le jour de mon départ, elle m’avoua honteusement être follement amoureuse de moi. Honteuse, car cette femme fut un membre de ma famille.
J’eus donc vraisemblablement influencé un amour contre nature par le seul poids de ma pensé.
L’autre étrange phénomène expérimenté, concerne un tout autre aspect et me fut révélé par accident.

Un jour où je me réveillai de mauvais poil, sans cigarette, nourriture et argent. A sec de tout ce qui put rendre ma journée supportable, je décidai de rester couché pour prolonger le sommeil, qui offre une douce protection contre tous les cauchemars impitoyables de l’éveil. Je me levai plus tard assiéger pas la douleur qu’inflige la faim et un désir obsessionnelle d’obtenir ce dont je fus à sec.
Je pris la décision d’aller chez ma tante ou un repas allait chaleureusement m’être offert. Je ne parvins pas à la rejoindre au téléphone, mais j’y allai quand même, en espérant que le temps de me rendre suffise à son retour. Il n’y suffisa pas, rendu, elle n’y fut pas.

Je rentrai chez moi, faim dans la main, ou je dérobai trois pommes de terre à mon colocataire pour la faire taire. Je reçus ensuite un appel de ma tante, qui ironiquement m’invita à souper. N’ayant plus faim, las de me déplacer et amusé par la situation, je déclinai l’invitation.
Une heure plus tard, je changeai d’avis et retournai chez la sœur de mon père. En chemin il y eut une panne de dix minutes dans le métro. Rendu à trois pas de chez elle, je fus avisé de ne pas y aller du a une quelconque querelle familiale, qui ne vous concerne pas. Je fus bien embêté. Je décidai spontanément d’aller voir un ami qui habitait le quartier.

J’arrivai chez lui en même temps qu’un autre vieil ami. Il fut agité et ne resta que le temps de fumer une cigarette. Il venait de faire une magouille payante, dont nul n’a besoin de connaitre les détails. Avant de quitter, il honora ma présence inopportune par un don de cent dollars.
Tout m’eut mené fortuitement cette journée la vers ce que je voulais. Ces hésitations, imprévues, changement d’idée et même le temps perdu compte tenu du résultat, me firent l’effet d’avoir subi l’influence de ma volonté.

Comment une chaine d’autant d’événements, ou l’un seul eut été différent ou déplacer de quelques minutes en eut différé le résultat, m’amenèrent ce jour-là contre toute a attente à me trouver a un lieu et un moment distinct, ou j’obtins bien plus que je ne l’eus désiré, mais ou justement j’eus passé l’entière journée à désirer plus que tout, puissent n’être que le fruit du hasard? A quel point le hasard put-il m’être favorable et à quel fréquence cette favorabilité dut-elle être récurrente pour que ce ne fut plus du hasard?
Le lendemain, j’allai à la bibliothèque. Je flânai quelques heures, puis avant de quitter, j’enregistrai mes locations à un guichet libre-service, mais pas n’importe lequel. Il y avait de ces guichets à tous les étages, je pris celui du quatrième que je n’utilisais jamais. J’y trouvai deux billets de vingt dollars nus sur le sol, l’un replié contre l’autre, qui ne put qu’appartenir au dernier utilisateur du poste de location.
Vous conviendrez que de l’argent sur le sol dans une pièce remplie de personne, n’est point un détail qui sache passer inaperçu. Je fus donc sans aucun doute celui, le seul qui pour cette occasion fus exactement à la bonne place au bon moment. Le hasard me gratifia-t’il du tendre baiser de son épouse la chance une seconde fois en si peu de temps?

Bien que j’eus imaginé ce scénario a maintes reprises, car c’est bien ce que je fis. J’imaginai trouver ce que je désirais, telle la certitude du souvenir d’un moment déjà passé. J’en demeurai tout de même sceptique par entêtement, naïveté et cécité, tous masqués sous le voile du bon sens.

Mon scepticisme fut brutalement déchirer par le nombre incalculable de portefeuilles trouvés et de petits larcins mit à mon aise, sans jamais me faire pincer. Puis je gagnai à la lotterie d’un billet que je n’eus même pas acheté.

Je puis aujourd’hui vous affirmer qu’il n’est hasard qu’a ce que vous lui attribuez.
Donc en résumé, par l’effort de ma pensé, je me rendis riche et je pus également provoquer le désir. Ne fut-ce pas convéniant? Inutile de vous dire que je passai les années suivantes à combler tous mes désirs, jusqu’à ce que j’en eus plus.

L’homme sans désir devrait être la quête de tous, car ce fut seulement une fois libérer de toute envie et à l’abri de l’ennui qu’offre un esprit sans limite, que je pus sérieusement songer à un bien plus grand que le mien. Celui d’aider mon prochain.
Je pus certainement aider aléatoirement des gens, mais je trouvai qu’il fut un bien petit grain de sable dans le désert que d’aider quelques individus. Muni d’une si puissante influence sur le monde, il se devait bien d’avoir quelque chose que je pouvais faire pour aider l’homme tout court, au sens général. Pourquoi ne pas m’attaquer a la souffrance? J’y songeai.
Il m’eut été aisé d’établir que bien que la pauvreté et la maladie jouent un rôle assez important dans l’histoire de la souffrance humaine, ces deux éléments ne sont qu’un aspect d’un problème plus complexe. Enrayez-y cette couche blafarde, il y reste les couches plus ignobles. Le rouge et le noir, peur, haine, perversion, meurtre…
Pardonnez cette fanfaronnade littéraire. La vérité est que lorsque l’on réfléchis a une cause aussi large et vague que le bien de l’humanité, on ne peut s’entraver de couleurs symboliques représentant une vision étroite et rigide de l’idée général sur la conception du bien et du mal, mais d’analyser objectivement les causes direct qui amène l’être à souffrir. Je vous défie de trouver une tache plus noble.

Je me rendis comte que la solution à un problème complexe n’est pas forcément aussi complexe que le dit problème. J’eus simplement isolé les variables. Je fus très étonné par la logique simpliste de l’opération, comme les mathématiques. Si limpide et droite qu’y trouver défaillance est peine perdu puisqu’il se résout à la source même de tous les maux de la vie.
J’en vins à la conclusion que le problème de l’humanité au sens général est son existence et que la solution réside dans son extinction.

Je pris donc la décision de consacrer le reste de ma vie à réfléchir à la mort de tous, comme les souvenirs lointains du dernier témoin de la mort des hommes. De la plus banale a la plus brutale des morts, je songe sans arrêt, je les commande a la vie, je lui impose.

Pour conclure peut-être qu’un jour sans savoir pourquoi vous prendrez la gauche, alors que d’habitude vous prenez la droite. Peut-être cette fois-ci rencontrerez-vous votre propre tragédie. Vous y croirez sans doute que cette fantaisie fut le dernier choix de votre vie. Eh bien, Monsieur, Madame peut-être n’était-ce que le résultat de l’influence de ma pensé.

x.

P.S.
Un jour un écrivain s’intéressera à mon sujet, je vous prie de lui rendre cette lettre accessible. Il en va du bien de l’humanité que je ne sois pas le seul à m’employer à la besogne sysiphale.
———————————————————-
Marcus se demande comment un homme qui lui parut a la base si sympathique est en réalité si sinistre. Il dépose la lettre et quitte la pièce un peu troublé par la lettre du fou.
Il marche dans le couloir ou se trouve les chambres. Il voit le vieux fou, assis sur son lit face au mur, le regard fixe droit devant, sans clignements d’yeux et sans la moindre ombre d’une expression. Marcus se sent inconfortable, il trouve qu’il plane quelque chose de malveillant autour de cet homme.
Il l’observe discrètement, furtivement, sans bouger, craignant d’attirer son attention et que l’homme pose son regard sur lui. Puis le vieil homme retourne sa tête lentement et de ses yeux vides, croisent ceux de Marcus, plein d’effroi. Il est saisit d’une peur subite qui longe sa colonne vertébrale pour exploser dans son cerveau en images horrifiantes de sa propre mort. Tremblotant, il quitte l’hôpital en vitesse.
Ce n’est qu’à l’extérieur que Marcus retrouve son calme, rassuré d’être loin des yeux du fou qui lui évoque la mort. Il se dit en souriant, que finalement il a matière littéraire. Puis il se surprend à penser à ce que son prochain livre soit un succès, et l’imagine tel le souvenir vague d’un moment qui s’est déjà produit.

Fin

158