L’annonce résonna comme une sentence.
L’ingénieur responsable de la rampe THX-1138 est demandé dans le bureau du directeur. Immédiatement.
Traviss se raidit. Il était peut-être grand pour un humain, mais face à un verpine, race insectoïde dont l’affabilité n’était pas la marque de fabrique, il n’était certes pas de taille. D’autant qu’il n’était jamais bon de se faire convoquer dans le bureau du boss. Il avala difficilement sa salive et, la tête rentrée dans les épaules, alla à la rencontre de son destin.
Il prit l’ascenseur et monta dans les étages du complexe d’Industrial Automaton. Les chaînes de montage se trouvaient dans les sous-sols, loin sous la surface artificielle de Coruscant. Mais plus on montait, moins les gens que l’on croisait mettaient les mains dans le cambouis. Les services appro, les services achats, les services administratifs… Jusqu’au sommet, dont l’étage entier était consacré au bureau du directeur. Des complexes comme celui-là, I.A. en avait des dizaines. Mais celui de cette planète, en plus de se situer sur la capitale galactique, avait quelque chose qui le rendait unique.
Il était le site pilote de la série R2. Un concept révolutionnaire de droïd astromécano capable de tout faire, ou presque. Et lui, Traviss, était responsable d’une des chaînes dédiées à la production de ce bijou de la robotique.
Plus pour longtemps, se disait-il en approchant des grandes portes dorées donnant dans le bureau du directeur. Ces dernières s’ouvrirent sans même qu’il n’eut à s’annoncer. Sans doute était-il épié depuis son départ de son poste de travail. Le respect des employés était un concept assez abstrait dans la philosophie des verpines.
Le directeur était assis derrière son bureau, sorte de mante religieuse gigantesque. Deux de ses mains étaient croisées, et les quatre autres étaient invisibles sous le pupitre du bureau. A ses côtés, se tenait un droïd de la série LOM, réponse de I.A. à Cybot Galactica et à sa série de droïds protocolaires et de traduction 3PO.
Chaque fois qu’il voyait un LOM, ce qui était déjà en soit assez rare, Traviss pensait qu’ils n’avaient aucune chance face aux 3PO. Ils faisaient… peur. Et d’après ce qu’il entendait autour de lui, cette réaction épidermique n’était pas propres aux humains, mais était partagée par la plupart des espèces intelligentes qu’il côtoyait.
A l’exception notable des verpines, bien entendu.
La présence du traducteur était indispensable, car les mandibules des verpines les rendaient incapables d’articuler le moindre mot de basic, mêmes si ils le comprenaient parfaitement.
Sans préambule, le directeur émit une série de cliquetis et de claquements.
Quelques secondes plus tard le LOM traduisit.
– Ingénieur de première classe Traviss, êtes-vous bien en charge de la chaîne THX-1138 ?
Traviss faisait de son mieux pour se contrôler et ne pas montrer la tension qui l’habitait. Mais il savait très bien que l’odorat des insectoïdes était extrêmement développé. Ces derniers reniflaient littéralement la peur, et les phéromones des humains n’avaient aucun secret pour eux.
Il allait répondre en regardant le droïd, mais se rattrapa au dernier moment en rivant ses yeux sur ceux à facettes du directeur. Les verpines, insectes sociaux évolués, étaient très à cheval sur l’étiquette, le protocole et le respect. Gare à ceux qui les méprisaient.
– Oui, monsieur.
– Bien, fit le directeur par l’intermédiaire du robot. Dans ce cas vous pourrez m’expliquer pourquoi les puces inhibitrices de comportement dont vous avez fait équiper les exemplaires de votre série sont défectueuses ?
Le cœur de Traviss manqua un battement. Bon sang ! Il avait oublié de les contrôler celles-là. Pourtant l’Anzat de l’appro lui avait assuré qu’elles étaient conformes au cahier des charges.
– Mais monsieur, tenta-t-il de se justifier, on m’avait assuré qu’elles avaient été contrôlées ! Je suis certain que quelqu’un du service achat ou du service approvisionnement pourra vous le confirmer.
– Ils l’ont fait. En fait, ils m’ont surtout confirmé qu’ils n’ont fait que leur travail, c’est-à-dire acheter et approvisionner. Rappelez-moi quelle est votre première mission.
Stang, pensa-t-il. C’est moi le fusible dans l’histoire. Il était cerné, foutu. Ne voyant pas d’échappatoire, il lâcha finalement :
– Contrôler.
– Nous sommes donc bien d’accord. Vu votre ancienneté et votre expérience, nous avons décidé de vous donner une seule et unique de chance de rester dans cette société. A condition que vous acceptiez de faire quelque chose pour nous, en guise de compensation.
La surprise frappa Traviss, aussitôt pondérée par l’expérience. Les verpines ont un raisonnement extrêmement logique, exempt de toutes émotions. Ce n’était certainement pas pour services rendus qu’il avait droit à cette chance, c’est que personne d’autre n’avait voulu s’y coller. Ca doit être un truc bien merdique la compensation…
– Je vous remercie monsieur, répondit-il néanmoins. Tout ce que vous voudrez.
– C’est très simple, vous verrez, fit la voix synthétique du droïd avec tout de même une étrange emphase, comme s’il compatissait à ce qui allait suivre. Par chance, nous avons pu récupérer tous les modèles astromechs défectueux avant qu’ils n’arrivent à leurs commanditaires. Tous sauf un. Voici les papiers.
Le verpine déplia un de ses longs bras, un de ceux qui étaient restés cachés sous le bureau depuis le début de l’entretien et lui tendit une datacarte, les papiers en questions avaient depuis longtemps été remplacés par ces petites puces, pratiques, pouvant être lues par un simple comlink et surtout pouvant contenir une grande quantité de données.
Traviss l’activa et lu les informations qu’elle contenait. Il écarquilla les yeux quand il vit la destination de l’unité en question.
– Naboo ? Vous voulez que j’aille sur Naboo ?
– Oui. Vous verrez c’est très charmant.
– Je n’en doute pas. Mais comment je fais pour y aller ? Vous n’ignorez pas que la Fédération du commerce a imposé un blocus des voies commerciales pour protester contre la taxation imposée par le sénat. Naboo est une destination interdite.
– Pas pour tout le monde. Certains contrebandiers ont certainement gardé leurs propres accès. Mais si vous choisissez ce moyen, je dois vous prévenir que tous les frais de rapatriement seront entièrement à votre charge.
Traviss sentait le désespoir le gagner.
– Mais est-ce si grave si la puce inhibitrice est défectueuse ? Le seul truc qui risque d’arriver à ce fichu droïd, c’est d’avoir mauvais caractère !
– Ecoutez-moi bien, monsieur Traviss, parce que je ne me répéterai pas. La réputation de cette compagnie est fondée principalement sur la qualité des produits qu’elle fabrique et vend. Nos clients payent suffisamment cher pour cela, et il est hors de question que l’un d’entre eux, fusse la reine d’une planète perdue au fin fond de la galaxie, ne pâtisse d’une erreur d’un de mes employés. Me suis-je bien fait comprendre ?
– Oui, monsieur.
– Bien. Je vous donne donc rendez-vous dans sept jours standards, à la même heure.
– Sept jours ? Mais il va déjà me falloir deux jours rien pour le voyage vers Naboo.
– Sept jours. Vous pouvez disposer.
Derrière lui les portes coulissantes s’ouvrirent sur un garde gamoréen à l’air rien moins qu’engageant.
Traviss fila à la vitesse de l’éclair.
A bord de son speeder, son esprit tournait à cent à l’heure pour trouver un moyen de se rendre sur ce foutu caillou. Il écoutait la chaîne musicale de l’holonet, et le programme fut interrompu par un flash spécial.
Nous venons d’apprendre à l’instant que le sénat avait mandaté l’Ordre Jedi pour aller sur Naboo, négocier la fin du blocus. Les émissaires choisis quitteront Coruscant dès ce soir, lorsque….
Il éteignit l’émission. Un sourire lui mangeait la moitié du visage. Il savait comment il allait se rendre sur Naboo. Il changea brutalement de voie de circulation et coupa la route aux autres usagers en se faisant copieusement insulter. Il prit la direction du Sénat.
Quelques dizaines de minutes plus tard il était dans le hall public et cherchait des yeux un panache bleu indiquant la présence d’un garde du sénat. Il finit par en dénicher un et fondit sur lui comme un rapace sur sa proie.
– Je suis Tranviss Sandguard. Mon frère est votre capitaine. Je dois lui parler immédiatement.
Le garde se contenta de lui rendre son regard sans autre réaction.
– C’est une question de vie ou de mort. Je dois parler à mon frère immédiatement. Je l’aurai bien appelé sur son comlink mais il ne l’a jamais sur lui quand il est en service. Allez quoi ! Faites un effort !
Toujours rien.
– Très bien. Vous ne voulez pas appeler mon frère ?
Encore rien.
Traviss décocha un direct en plein sur le nez du garde.
– Et maintenant ?
– Podo ! Mais vous êtes pas tranquille !
Le soldat brandit son fusil blaster et sans même vérifier qu’il était bien réglée sur paralysie lui envoya une salve.
Traviss tomba raide, face contre terre.

-=-

Traviss sentait qu’on le secouait mais il n’arrivait pas à reprendre le contrôle de son corps, pas même pour ouvrir les yeux. Puis d’autres sensations vinrent abruptement. Le mal de tête d’abord. Ce n’était jamais agréable de se faire neutraliser par un blaster, et Traviss aurait donné cher pour ne jamais l’expérimenter.
Puis des sons.
– Frangin ! Hé Traviss ! Allez réveille toi !
– Hum…
– Quoi ?
– Ca va. J’ai été out pendant combien de temps ?
– Vingt minutes, pas plus. C’est quoi ce bordel que tu m’as foutu dans le hall ?
– Ecoute Rob, j’ai vraiment besoin que tu m’aides.
– Faut déjà que je te sorte du bourbier dans lequel tu t’es mis en frappant mon garde. Bon sang, tu sais qu’ils font la queue derrière la porte pour te casser la gueule ?
– Ah ? Si seulement ça pouvait être mon seul problème…
Traviss raconta à son frère ce qui c’était passé dans le bureau du directeur. Et surtout ce qu’il lui avait demandé de faire.
– Et alors, lui dit ce dernier. C’est pas bien grave. T’as qu’à lui dire d’aller se faire voir chez les Chi’ss. Un gars comme toi n’aura aucun mal à retrouver du boulot ailleurs.
– Toi, ça se voit que tu ne connais pas les verpines… On ne dit pas non à un verpine. Pas si on ne veut pas avoir les pires ennuis de la galaxie. Le dernier superviseur qui lui a refusé quelque chose s’est suicidé après avoir divorcé, été roué de coups, ruiné, été roué de coups, emprisonné à tord, roué de coups, envoyé sur les mines de Kessel ring où il a été roué de coups…
– Ça va, ça va, j’ai compris. Et que veux-tu que je fasse ?
– Un vaisseau plénipotentiaire du sénat va décoller ce soir. Il va aller sur Naboo. Je dois être à bord.
Rob resta bouche bée.
– Rien que ça ! finit-il par dire. Je risque ma carrière si je te laisse partir sans t’en empêcher !
– Et si tu ne fais rien, c’est ton frère que tu risques. C’est quoi ta priorité ?
– Merde, enfin Traviss, tu ne peux pas me demander ça !
– Si, je peux, et je le fais. Papa n’a jamais su comment tu avais réussi l’examen d’entrée à l’académie des gardes de la République. Comment s’appelait ce gars de l’OSR, déjà ? Si tu sais, celui qui te connaissais et qui par hasard s’est retrouvé être ton instructeur ? (Traviss marqua une pause mélodramatique.) Ce serait bien qu’il parte sans le savoir…
– Tu me menaces ?
– S’il le faut, oui. Je dois être à bord de ce vaisseau. Je n’ai pas le choix.
Les deux frères se regardèrent un long moment, puis Rob finit par craquer.
– Ok. Je vais voir ce que je peux faire. Reste là.
Il quitta la pièce et la verrouilla soigneusement derrière lui. Traviss se demanda fugacement si c’était pour l’empêcher de partir ou pour le protéger des gardes qui soit disant voulaient lui refaire le portrait. Il revint une dizaine de minutes plus tard avec une combinaison de travail.
– Enfile ça, lui dit-il en lui jetant la tenue. C’est une tenue de technicien de vol. Et prends ça aussi.
Il lui tendit un badge d’accès portant le nom de Acknid Fortrim.
– C’est qui celui-là ? demanda Traviss indécis.
– Toi, à partir de maintenant. Le vrai a eu quelques soucis avec une fouille inopinée. Une sombre histoire de trafic de bâtons de la mort…
Traviss s’exécuta. Quand il fut habillé, son frère alla pour ouvrir la porte, mais Traviss l’arrêta d’un geste.
– Merci. Sérieusement.
– Comme si j’avais le choix, cracha Rob.
Il se dégagea d’un mouvement brusque et ouvrit la porte.
– Le vaisseau est dans le hangar AY21-3. Ils t’attendent pour partir. Les jedis sont déjà à bord.
Traviss prit la direction indiquée. Sa destination n’était pas très éloignée, mais le stress et la peur lui donnèrent l’impression du contraire. Quand il arriva dans le hangar, il constata qu’il contenait un petit croiseur de classe Consulaire, de chez la Corporation Technique Corellienne. Il était presque entièrement rouge, couleur diplomatique, seules quelques touches de blanc venaient rompre cette monotonie écarlate. Son nom était peint de cette teinte : Radiant VII
– A ben c’est pas trop tôt, fit une voix mécontente, celle du capitaine, sans doute. On a failli attendre ! Montez à bord, qu’on puisse enfin foutre le camp. Plus vite on sera parti, plus vite on sera rentré.
– Désolé, murmura Traviss.
A peine la rampe se fut-elle refermée derrière lui que Traviss sentit les secousses du décollage. C’est qu’ils étaient vraiment pressés !
Le voyage, malgré les deux hyperpropulseurs, dura trente-six heures, au cours desquelles les seules tâches qu’eut à effectuer Traviss furent quelques rondes de sécurité. Il ne croisa qu’une seule fois les jedis, un maître, grand et barbu à l’air sévère, et son padawan, jeune au regard bleu perçant, et il craignit pendant un moment qu’ils ne le démasquent grâce à leurs pouvoirs. Mais il n’en fut rien.
Une petite secousse lui indiqua qu’ils étaient enfin sortis de l’hyperespace, et donc que la destination était proche. Il s’approcha d’un hublot pour profiter du spectacle. Et la consternation le gagna aussitôt.
Ils n’allaient pas se poser sur la planète, mais se dirigeaient vers le hangar d’une des gros vaisseaux en anneau de la Fédération. Il se ressaisit assez vite. Il ne pouvait pas échouer si près du but, ce serait trop ironique. Se donner tout ce mal pour arriver jusqu’ici, et rester planter là… non, c’était inconcevable.
Il chercha une solution et la seule qu’il trouva faillit bien lui coûter la vie. Il passa discrètement à la cafétéria récupérer quelques provisions qu’il entassa dans son petit sac à dos. Puis, il s’engouffra dans une nacelle d’évacuation. L’électronique étant l’électronique, son statut d’ingénieur lui permit de court-circuiter tous les circuits d’alertes pour pouvoir s’éjecter sans que l’info ne soit relayée au cockpit.
Le Radiant VII avait beau être petit pour un croiseur, il mesurait quand même ses cent quinze mètres. Et vu que tous étaient rassemblés sur la passerelle, personne ne s’apercevrait qu’il manquait une nacelle avant la prochaine inspection technique, qui vraisemblablement n’aurait pas lieu avant le retour sur Coruscant. Grâce à son comlink, il trouva les coordonnées de la capitale de Naboo, Theed, et les programma dans l’ordinateur de bord. Il ferait les derniers ajustements d’approche avec les commandes manuelles. Puis il appuya sur le gros bouton rouge.
Il n’y avait pas d’amortisseurs inertiels, et le choc fut rude, mais il parvint néanmoins à garder son équilibre.
Il croisa les doigts pour qu’aucun patrouilleur de la Fédération ne le détecte. Il commença à souffler quand le sifflement distinct de la pénétration atmosphérique se fit entendre. Quelques minutes plus tard, il pouvait voir Theed. C’est vrai qu’elle semblait être une ville magnifique, dotée d’une architecture vraiment impressionnante.
Tiens, c’est quoi ces petits éclairs de lumière ? C’est joli…
Il réalisa à cet instant que Naboo était, de fait, en état de siège. Dans cette situation, comment réagiraient les défenses anti-aériennes en cas d’intrusion d’un objet non annoncé dans l’espace aérien. Pas bien, certainement.
Il comprit que ce qu’il voyait n’était pas des éclairs. Mais des turbolasers. Et ils l’avaient pris pour cible !
Il se précipita vers les commandes manuelles, et dirigea la nacelle, qui avait à peu près l’indice avionique d’une brique, vers le sol, des détonations commencèrent à résonner autour de lui, faisant vibrer les parois métalliques de l’engin. Theed n’était plus qu’à quelques kilomètres. Mais cette distance semblait être couverte de forêts et de marais. Traviss ne se voyait pas traverser tout ça à pied, et en tenue de citadin. Et puis qui savait quels prédateurs rodaient dans les parages. Pas lui, pour sûr ! Le problème, c’était qu’il ne se voyait pas non plus exploser en plein ciel.
Le salut vint littéralement des cieux. Des traînées de feu déchirèrent les nuages et s’abattirent sur les tourelles qui l’avaient pris pour cible. En quelques secondes, l’espace aérien lui fut à nouveau dégagé. La Fédération venait de franchir un cap dans ce blocus, et manifestement, les négociations avaient tourné court…
C’était triste pour les Naboos, mais Traviss bénissait sa bonne étoile.
Il sortit la datacarte que lui avait donné le directeur et l’inséra dans son comlink. Il effectua deux ou trois réglages de fréquence, puis il capta le signal de repérage de l’unité qu’il était venu récupérer. L’écran affichait 3,2 kilomètres. Il était tout proche. Il continua à suivre la direction que lui indiquait son comlink quand une sonnerie stridente, accompagnée d’une lumière rouge, s’activa. Il était à court de carburant. Les acrobaties qu’il avait dû faire pour éviter les tirs de barrage en avaient consommé une grande partie. Il fit de son mieux pour poser son engin de fortune au plus près du signal, soit 500 mètres. L’attérissage fut rude. Les propulseurs le lâchèrent à cinq mètres du sol, définitivement à court de jus. La chaloupe n’était plus qu’un amas de tôles noirci et fumant quand il parvint à s’en extirper.
Etrangement, la piste électronique l’avait conduit assez loin à l’extérieur de la ville, aux abords d’une falaise où venait se jeter une cascade. Devant lui, il ne voyait que quelques baraquements.
Il continua à suivre le signal. Ce dernier le conduisit au centre des petites constructions, et l’écran afficha 0. Mais il n’y avait rien.
C’est quoi ce bordel ?
Bien sûr ! Ce ne pouvait être que ça. Il était au bon endroit. Mais pas à la bonne hauteur. Le droïd astromech devait être quelque part dans des souterrains, et la falaise devait servir d’astroport par lequel les vaisseaux décollaient. Restait à en trouver l’entrée.
Quand il vit deux pilotes sortir d’une rampe escamotable, sa bonne étoile brilla à nouveau. Si sa mission continuait sous ces augures, il serait de retour chez lui bientôt. Ce qui lui fit penser, tout en tempérant grandement son enthousiasme naissant, qu’il n’avait rien prévu pour rentrer. Tant pis ! Il y songerait le moment venu. Pour l’heure, il devait rester concentré sur son objectif.
Il attendit que les pilotes soient assez loin et se précipita sur la rampe avant qu’elle se referme. Il déboucha dans un hangar assez vaste pour abriter un vaisseau Nubian 327 de type J et deux escadrilles de chasseurs d’un type qu’il ne connaissait pas. Ils étaient de couleur jaune sur le dessus, et chromé sur le dessous, et leur aspect général évoquait un trident renversé. Sans doute une fabrication locale. Toutefois, à l’arrière du cockpit de ces engins il y avait un emplacement qui ne pouvait être que celui d’un droïd astromech.
Il était au bon endroit.
Toujours en suivant le signal sur son comlink, Traviss fini par trouver ce qu’il cherchait. Il ouvrit une porte et il tomba sur une armée entière d’astromécano de série R. Il relut les informations contenues sur la datacarte à la recherche du matricule exact de celui qu’il cherchait. Les voilà : R2-D2.
Il chercha du regard les unités R2. Il y en avait cinq. Bon, le nombre de suspects diminuait. Une dernière recherche sur la datacarte et il obtint un visuel… et du même coup son astromech. Il était banal, le blanc était sa dominante, et quelques teintes de bleus venaient égayer le tout. Sont dôme cervical était tourné vers Traviss et son optique semblait lui jeter un regard inquisiteur.
– Je te tiens, mon petit bonhomme, lui lança-t-il, triomphal. J’ai traversé la galaxie pour te retrouver. Maintenant, tu vas venir avec moi.
Une série de gazouillis électroniques lui répondit. Il n’avait aucune idée de ce que cela signifiait, il était ingénieur, pas roboticien. Il décida de les interpréter comme un oui. Mais quand il vit que l’astromech refusait obstinément de le suivre, il se dit que la réponse devait être un petit peu plus subtile… ou pas. Après tout, ce droïd avait une petit inhibitrice de comportement défectueuse.
– Ne m’oblige pas à utiliser un boulon d’entrave, lui dit-il comme on essayerait de raisonner un jeune enfant. Je sais ce que ça que vous fait, et c’est pas du bien.
Nouvelles séries de bip-bips et de tweet-tweets.
– Je ne sais pas ce que tu me racontes, mais tu n’as pas le choix. Tu dois venir avec moi.
Traviss se disait que la légende selon laquelle certains pilotes parvenaient à comprendre avec le temps les couinements électroniques de leurs astromechs était totalement absurde. C’était du charabia électronique et point final. Du coup, il se demanda pourquoi il se retrouvait en train d’argumenter face à l’un d’eux.
Mais rien n’y fit. Le droïd refusait obstinément de bouger. Il tenta de le prendre à bras le corps, mais le robot faisait son poids, et de toute façon il était enchâssé dans son sabot de maintenance. De désespoir, Traviss posa sa tête entre ses mains et commença à sangloter, tandis que l’astromech essayait de l’apaiser à lui envoyant des signaux électroniques compatissants. L’épuisement des dernières heures profita de cet instant de faiblesse pour prendre le dessus, et l’homme s’endormit sans même sans rendre compte, au milieu des petits robots en forme de tonneau.
Il fut brusquement réveillé lorsque les astromécanos commencèrent à sortir de la pièce dans une agitation ordonnée, comme s’il s’était agi d’une seule entité.
Traviss fit de son mieux pour ne pas perdre de vue le R2-D2, et parvint à le suivre jusqu’au Nubian 327 de type J. C’était un engin magnifique, à la robe argentée réfléchissante et aux lignes fines et effilées. Le vaisseau d’une reine.
Il n’hésita presque pas à monter à bord, à la suite du petit droïd. Au point où il en était…
Les astromech avaient chacun leur compartiment qui les dissimulaient dans les parois des coursives. Ils n’intervenaient qu’en cas de besoin. Mais le rappel général de toutes les unités ne pouvait signifier que le départ imminent de l’engin. Mais pour aller où ? La planète était sous blocus de la Fédération du commerce. Et compte tenu des tirs récents vers la surface, ce dernier était toujours en place. Peut-être même la guerre était-elle déclarée !
Traviss commença à paniquer. Ils avaient l’intention de forcer le blocus ! C’était un suicide ! Il avait vu de ses yeux vu les centaines de vaisseaux qui étaient en orbite. Ils n’avaient aucune chance de passer. Il allait rebrousser chemin pour quitter le bord, mais des bruits de bataille à l’extérieur l’en empêchèrent et le contraignirent à rebrousser chemin pour se mettre à l’abri au cœur du vaisseau.
Ils n’ont peut-être plus le choix, pensa-t-il, surtout si une invasion a débuté. Les tirs de blasters résonnaient, et des bruits de pas précipités aussi. Mais au milieu de tout ce vacarme, il y avait un autre son. Un bourdonnement.
Des sabres laser ! Les jedis avaient survécu et ils étaient là. Ils avaient peut-être une chance de passer, alors.
Il chercha une cachette, et trouva une cabine vide. Il passa devant un miroir et il se rappela qu’il portait toujours la combinaison de technicien de vol de la république. Il serait facilement repérable avec elle. Il devait trouver un autre accoutrement, quelque chose de plus discret, sans insigne. Il fouilla les placards, et trouva un bleu de travail sans signe distinctif qu’il s’empressa d’enfiler. Il cacha son ancien déguisement sous le lit en espérant que la femme de ménage de fasse pas partie du voyage.
Les chaos d’un décollage précipité le malmenèrent quelque peu. Puis Traviss, se sentant impuissant commença à faire les cent pas dans la cabine qui se faisait de plus en plus étroite, tandis que grandissait son anxiété. N’en pouvant plus, il en sortit prudemment, mais il n’y avait personne dans cette coursive. Il chercha la salle des machines, estimant que ce décor serait plus en adéquation avec son bleu de travail. Il la trouva rapidement, le Nubian n’étant qu’un gros yacht, il était difficile de s’y perdre. Elle était ridiculement petite, deux personnes y auraient été à l’étroit. Mais elle était vide.
Ca c’était pas bon. Aucun technicien n’avait pu embarquer. En cas de pépin personne pour réparer. Traviss venait de trouver de quoi s’occuper l’esprit jusqu’à ce que… jusqu’à ce qu’ils passent le blocus ou qu’ils meurent en essayant.
La salle des machines était peut-être petite, mais elle était complète et très bien conçue. Il adressa mentalement une prière de remerciement au collègue ingénieur inconnu qui l’avait pensée.
Il activa les consoles. Parmi elles s’en trouvait une qui permettait de connaître la position et l’état de chaque astromech embarqué. Il localisa R2-D2 et vérifia qu’il fonctionnait correctement.
Puis il n’eut plus de temps pour penser.
Le navire fut secoué comme si la main d’un géant s’amusait avec, l’intensité des éclairages faiblissait et augmentait tour à tour, tandis que des coups sourds faisaient résonner toute la coque. Des signaux d’alarmes s’allumèrent sur les consoles, et il géra tant bien que mal ceux qu’il pouvait. Mais l’un deux l’inquiéta plus que les autres. Un coup direct avait traversé les boucliers et avait endommagé l’hyperdrive. L’hyperpropulsion était désactivée et le seul moyen de la réactiver était d’intervenir de l’extérieur, directement sur la coque.
Et pour cela, il n’y avait qu’une seule manière de procéder. Il activa tous les astromechs et les envoya à l’extérieur faire leur boulot.
L’intensité des tirs était telle qu’à peine quelques uns parvinrent à atteindre la zone d’intervention. Et ceux qui y arrivèrent se faisaient dégommer comme des ballons à la foire. Assez vite il n’en resta plus qu’un. Traviss osa à peine vérifier duquel il s’agissait. Mais oui ! C’était le R2-D2, celui pour lequel il était là.
Il ne pouvait s’empêcher de l’encourager mentalement
– Allez ! vas-y mon p’tit gars. Tu y es presque. Allez, encore un effort, un tout petit effort… Oui !
L’hyperpropulsion était de nouveau active. Elle s’enclencha presque aussitôt mettant le vaisseau et ses passagers hors de danger. Pour le moment. Avec dépit, Traviss regardait la lumière rouge qui venait de s’allumer devant lui. S’ils n’avaient pas de pièce de rechange, ce serait certainement le dernier voyage dans l’hyperespace de ce vaisseau. Mais au moins, ils étaient vivants et saufs. Peu à peu, il sentait le soulagement le gagner.
Une voix déformée par un haut-parleur de piètre qualité l’empêcha de profiter pleinement du moment.
– Ici Rick Olié, le pilote, j’ai besoin du statut et de la liste des dégâts.
Il hésita un moment avant de répondre.
– Allo ? Y a quelqu’un en salle des machines ? (la voix s’éloigna, comme s’il parlait à quelqu’un d’autre) J’espère parce que sinon on est vraiment dans la panade. Allo ?
Après tout, ils étaient tous dans la même galère. Il appuya sur le bouton pour répondre.
– La plupart des dégâts sont sans gravité. Rien qu’on ne puisse gérer ou qui puisse attendre. En revanche, on va avoir un souci avec l’hyperdrive. J’ai réussi à la faire fonctionner, mais elle a pris un coup direct. Le motivateur est mort. Ce qui veut dire que lorsqu’on sortira de l’hyperespace, ce sera pour de bon jusqu’à ce qu’on l’ait changé. Choisissez bien la destination, parce que des pièces détachées pour Nubian, ça court pas les rues. Terminé.
– Bien reçu. Pouvez-vous décliner votre identité ? La reine voudrait vous remercier.
Aïe ! Ca y est, il s’était fait remarquer. S’il était resté discret, il aurait eu une chance de passer inaperçu. Mais au lieu de ça, il avait fallu qu’il sauve le vaisseau. Mais peut-être cela lui donnait-il une dernière carte à jouer.
– Dites à la reine que… dites lui que je me présenterai en personne devant elle.
– Mais… Bon comme vous voulez.

-=-

Traviss se tenait devant la reine Amidala, de Naboo. Elle avait les yeux écarquillés et la surprise lui faisait entrouvrir sa charmante bouche. En revanche les deux jedis, ceux-là même qui fait le trajet aller avec lui, qui l’entouraient, eux, avaient l’air moins charmants… La main sur leur sabre laser, ils ne semblaient attendre qu’une occasion pour s’en servir. Occasion que Traviss faisait tout pour éviter.
– Voilà mon histoire majesté, conclut Traviss. Aussi stupide soit-elle, elle n’en demeure pas moins vraie.
La reine jeta un œil sur le plus âgé des jedis. Ce derniers ferma les yeux quelques instants, et quand il les rouvrit, il semblait nettement plus détendu et il lui fit oui de la tête. Ce qui parut également apaiser le plus jeune. Leurs mains glissèrent tranquillement le long de leurs jambes, loin de leurs armes. Assez pour que Traviss puisse retrouver un rythme cardiaque normal
D’un ton doux et presque maternel, malgré son jeune âge, la reine s’adressa à lui.
– Vous nous avez sauvés, et pour cela, nous avons une dette envers vous. Sachez que la reine de Naboo honore toujours ses dettes. Notre destination est Coruscant (les jedis froncèrent les sourcils mais elle n’en fit pas cas), enfin elle le sera dès que nous aurons pu réparer. Dès que nous y serons, vous irez chercher votre femme et votre enfant. A partir de ce jour, vous serez citoyens de Naboo, et technicien attaché au service personnel de la reine, avec tous les avantages liés à ce rang. Y compris, bien entendu, l’assurance qu’un certain verpine renoncera à toute forme de représailles envers vous ou envers quiconque en rapport avec vous. Cela vous convient-il ?
Des larmes dans les yeux, Traviss ne put répondre, tant l’émotion l’avait laissé sans voix.
– C’est bien plus que j’en espérais votre altesse.
– Dans ce cas, je ne vous retarderai pas plus longtemps, car vous avez désormais la responsabilité de ce vaisseau, et je crois que quelques menus travaux requièrent votre attention.
Traviss tenta avec plus ou moins de réussite de faire une révérence et allait se retirer quand quelque chose l’arrêta. L’impression qu’il devait encore faire quelque chose pour tout soit terminé. Il se demanda fugacement si c’était ça, entendre la volonté de la Force.
– Majesté, parmi mes fonctions, celle de conseiller est-elle incluse ?
– C’est même l’une des plus importante.
– En ce cas, voici mon premier conseil : le petit astromécano qui a fait les réparations sur la coque, vous devriez le recevoir au même titre que moi. Il a fait montre de bien plus de courage que beaucoup d’hommes, et sa persévérance nous vaut d’avoir cette conversation. Et puis quelque chose me dit qu’il a son petit caractère.
Traviss adressa un clin d’œil à la reine de Naboo et s’en retourna pour remplir ses nouvelles obligations.

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